Début octobre, des artistes ont offert plus de 160 œuvres, dont 54 ont été mis aux enchères sur Artsy, levant plus de 1,5 million de dollars au profit de la campagne de Kamala Harris et des démocrates dans le cadre d'une récente initiative, « Artists for Kamala ». Ceci n’est pas surprenant puisque la plupart des artistes contemporains de premier plan – de Simone Leigh à Judy Chicago et Jeff Koons – soutiennent le ticket Harris-Walz pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre. Pourtant, l’art et la culture ne figurent pas au-devant des propositions des candidats, que ce soit dans le camp de Kamala Harris ou dans celui de Donald Trump.
La campagne de la candidate démocrate, actuelle vice-présidente des États-Unis, n'a pas spécifiquement détaillé de mesures pour les arts, bien que plus de 4 millions d'Américains travaillent dans le secteur artistique et culturel. Une industrie créative majeure contribuant non seulement à l'économie du pays mais aussi à son soft power. Pour mieux saisir la vision de Harris sur les arts et la culture, il est donc nécessaire de considérer les orientations politiques de l'administration au pouvoir, ainsi que les antécédents personnels de la candidate.
Soutien au NEA
Le budget 2025 de l'administration Biden-Harris proposait 210 millions de dollars au National Endowment for the Arts (NEA), l’agence fédérale indépendante en charge du plus grand programme de subventions du secteur, soutenant plus de 2 000 bénéficiaires chaque année. Le gouvernement a par ailleurs augmenté le financement d’initiatives soutenant des subventions muséales et des programmes de recherches en appui à la culture africaine-américaine.
En tant que sénatrice (de 2017 à 2021), Kamala Harris a co-parrainé en 2020 des lois clés pour lancer les projets du Smithsonian National Museum of the American Latino et du Smithsonian American Women's History Museum. Elle s'est également opposée aux coupes budgétaires imposées au NEA par Donald Trump. En 2022, Joe Biden, dont elle soutient la politique, a rétabli le President’s Committee on the Arts and Humanities, qui avait été dissous pendant l'administration Trump, un organisme de conseil pour l'engagement au niveau national envers les arts et la culture, ainsi que la diplomatie culturelle à travers les arts.
Pour sa part, son colistier Tim Walz, gouverneur actuel du Minnesota, a également démontré dans ses fonctions un soutien aux arts. De nombreux artistes et institutions l’ont remercié d'avoir maintenu en 2023 les engagements de financement au profit du Minnesota State Arts Board, l'agence fédérale qui soutient les arts.
Trump en guerre contre les arts
Ces positions contrastent avec l'orientation générale du « Project 2025 » de Donald Trump, qui, tout en ne mentionnant pas spécifiquement le financement des arts, dégage un parfum conservateur explicite. Le Project 2025 comprend notamment des propositions pour supprimer les protections des minorités de genre, restreindre l'accès à l'avortement et réduire les protections contre la discrimination dans le logement. Il vise à réduire l'implication fédérale et les dépenses dans divers secteurs, ce qui pourrait inclure des coupes dans les programmes traditionnellement soutenus par des agences comme le NEA. Ce n'est pas improbable étant donné que, pendant sa présidence, les propositions budgétaires de son administration visaient régulièrement à supprimer entièrement le NEA en tant que responsabilité fédérale non essentielle, ce qui fut rejeté de manière bipartisane par le Congrès.
La culture à l'arrière-plan
Le financement des arts reste un instrument politique majeur aux États-Unis pour soutenir un secteur artistique et culturel dynamique. Cependant, dans ce système fédéral, les prérogatives sont également partagées avec le Congrès et les législatures des États, en plus du rôle important joué par la philanthropie et les dons privés. Le pouvoir exécutif établit un agenda politique et soutient le financement et la supervision d'institutions nationales clés, comme le NEA, qui sert également à attirer des financements privés pour le secteur et a souvent concentré l'attention politique. Si elle devait être élue présidente, Kamala Harris serait amenée notamment à nommer la présidence du NEA, qui devrait ensuite être confirmée par le Sénat pour un mandat de quatre ans – une procédure de nomination similaire a lieu pour le président de l'Institute of Museum and Library Services, qui guide le soutien apporté aux musées et bibliothèques à travers le pays.
Dans cette campagne électorale bien particulière et moins enthousiasmante qu’en 2020, une chose est sûre : l’art et la culture passent à l'arrière-plan, bien derrière les invectives personnelles, la politique étrangère au Moyen-Orient et en Ukraine, ainsi que le dossier brûlant de l’immigration, qui occupent tous les esprits.