Trois ans après le départ brutal de sa directrice emblématique Nathalie Bondil, le musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) se remet à peine de « l'onde de choc ». La conservatrice en cheffe Mary-Dailey Desmarais, dont la nomination avait provoqué un conflit ouvert, est toujours en poste, tandis que la curatrice Eunice Bélidor, nommée en avril 2021, faisait part récemment dans Hyperallergic de son sentiment d'avoir été utilisée comme token (pion, ndlr), parce qu'elle était noire, la poussant à démissionner en janvier dernier. Depuis novembre 2020, c'est le Québecois Stéphane Aquin, 63 ans, qui a repris les rênes du musée, où il fut conservateur de 1998 à 2014, avant d'occuper le poste de conservateur en chef du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington.
Musée archipélagique distribué en cinq pavillons, le MBAM (en anglais MMFA — Montreal Museum of Fine Arts –, la question ne semble pas avoir été tranchée) est atypique tant par ses collections agrégeant de nombreux dons, que par le caractère innovant de son approche du musée comme lieu de « mieux-être » (lire notre enquête du 12 mai 2023). Dans son bureau perché sur les pentes du Mont-Royal où courent les écureuils, Stéphane Aquin évoque les défis de ce musée nord-américain hors norme, confronté tant à une double culture qu'à la question des restitutions et de sa validité en territoire autochtone.
Peu de temps après votre arrivée, en pleine pandémie de Covid, vous avez lancé un plan stratégique pour le musée. Qu'avez-vous imaginé ?
Le confinement nous a donné une vision plus claire de ce qui était fondamental pour un musée. D'abord la collection, puis la communauté. Cette période a mis en relief le fait que la démographie montréalaise a beaucoup changé. On a un membership très fort, mais de nombreux adhérents sont des boomers – en 2030 la majorité aura plus de 80 ans. Les millennials qui…