« Historique » est le terme qui parcourait les allées du Sénat ce 23 mai, après l'adoption à l'unanimité d'un projet de loi-cadre visant à « simplifier la procédure de restitution pour l’ensemble des biens culturels appartenant au domaine public ayant fait l’objet, en France ou ailleurs, de spoliations entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 » – soit dès l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler, au-delà des strictes dates de l'occupation allemande. Historique, car cette loi concerne directement les œuvres spoliées dans le contexte des persécutions antisémites : « Ce projet de loi est le premier qui depuis la Libération reconnaît la spoliation spécifique subie par les Juifs, en France et partout, du fait de l'Allemagne nazie et des diverses autorités qui lui ont été liées », a souligné la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak. La loi, qui déclare la responsabilité du régime de Vichy dans les spoliations antisémites, créerait dans le code du patrimoine une dérogation au principe d'inaliénabilité (y compris pour les musées privés et bibliothèques), la décision de sortie des collections nationales ne pouvant intervenir qu'après avis de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), celui-ci pourra être rendu public sur sollicitation d’une personne publique. Elle prévoit la possibilité de « conclure un accord amiable sur des modalités de réparation autres que la restitution, par exemple le maintien du bien dans la collection publique en contrepartie d’une compensation financière », a précisé Béatrice Gosselin, rapporteure du projet de loi, tout en faisant remarquer que celui-ci « pourrait néanmoins se heurter à une problématique financière, compte tenu de la faiblesse des crédits d’acquisition dont disposent actuellement les établissements ». La sénatrice de la Manche (apparentée LR) a justifié ainsi l’adoption d’une loi-cadre : « D’abord, parce que c’est un symbole de notre engagement à aller plus loin sur le chemin des réparations des spoliations antisémites. Ensuite, parce qu’il s’agit d'une réponse de long terme, globale, fiable et transparente au problème soulevé par ces spoliations, ne nécessitant pas d’autorisation au cas par cas du Parlement ». Devant le Sénat, Béatrice Gosselin a également affirmé qu'une telle loi permettrait de « sensibiliser les acteurs culturels à l’enjeu des spoliations et intensifier les recherches proactives aujourd’hui trop modestes ». Le texte doit désormais être étudié par l’Assemblée nationale.