Au cœur du vieux Madrid, El Ateneo est une institution culturelle majeure. Fondé au début du XIXe siècle par les libéraux désireux d'arrimer leur pays à l'Europe éclairée (mais pas à Napoléon !), il a connu plusieurs adresses avant de s'installer en 1884 calle del Prado, où il fut inauguré par le roi Alphonse XII et le premier ministre Cánovas del Castillo. Dans ce club privé est passée la fine fleur de l'intelligentsia espagnole - écrivains, compositeurs et prix Nobel - et García Lorca y a donné en 1936 la dernière représentation de sa troupe de théâtre ambulante, La Barraca. Sous le commissariat d'Hans Ulrich Obrist, dans le cadre de la programmation de la fondation Sandretto Re Rebaudengo à Madrid, l'artiste brésilien Lucas Arruda - jeune quadragénaire et valeur explosive du moment (chez David Zwirner et Mendes Wood DM) - y bénéficie de sa première exposition espagnole. Dans un jeu de mimétisme plein de finesse : ses forêts tropicales, peintes sur de petits formats carrés, y sont disséminées sur les pupitres vert d'eau, sous les rayonnages cérusés, se dissimulant sous la masse de l'impressionnante bibliothèque. On les croirait partie prenante du décor : en notre époque plutôt portée sur l'hyperbole et le XXL, un éloge de la discrétion qui fait du bien.
« Lucas Arruda. Assum Preto », El Ateneo (21 calle del Prado, Madrid), entrée libre, jusqu'au 8 mars.
ateneodemadrid.com