Le Quotidien de l'Art

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Port d'attache

Port d'attache

Pour sa troisième exposition depuis sa réouverture en tant qu'écrin des trésors Al Thani, l'hôtel de la Marine accueille une collection d'ordinaire peu voyageuse. Réunie au début du XXe siècle par Giorgio Franchetti, dernier propriétaire de la Ca' d'Oro qu’il lègue à l’État italien en 1922, elle constitue une véritable plongée dans l'histoire de Venise et de ses courants artistiques, qu'il est d'habitude donné au grand public de remonter en poussant la porte du palais doré sur le Grand Canal. Mais qui tenterait l'aventure ces jours-ci serait bien en peine : fermé pour restauration, le musée fait actuellement escale à Paris, où 70 de ses chefs-d'œuvre, qui pour la plupart n'avaient jamais quitté l'Italie, sont arrivés à bon port par l'entremise de la collection Al Thani, organisatrice de l'exposition. Ils mènent de la peinture à la sculpture et à la tapisserie, de Tintoret à Titien et Bellini. D'œuvres bien connues et attendues, comme le Saint Sébastien de Mantegna, à d'inattendus trésors, comme ce double portrait en marbre d'un homme au nez brisé et d'une femme au plongeant décolleté. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Vers où regardent-ils ? Sont-ils amis ou amoureux ? Tristes ou heureux ? S'agit-il vraiment d'un double portrait ? « Cela serait le cas si Tullio Lombardo avait eu l’ambition de nous représenter des personnes précises, qu’elles soient réelles ou imaginaires. Il nous propose une réflexion plus complexe sur la fugacité de la vie humaine et sur l’art comme outil de la mémoire. La Renaissance reprend des codes propres à l'art antique, tels que l'ambiguïté délibérée des figurespour interroger l'homme contemporain et les paradigmes de l'époque. Qu'est-ce qu'un portrait qui ne l'est pas ? Qu'est-ce qu'un individu qu'on ne reconnaît pas ? Qu'est-ce qu'une identité ? », décode Philippe Malgouyres, conservateur au département des Objets d'art du Louvre et commissaire de l'exposition.

Article issu de l'édition N°2556