Le 20 mai dernier, Koyo Kouoh, commissaire de la Biennale de Venise 2026, devait présenter le titre et le thème de son exposition internationale. Elle est décédée brutalement dix jours plus tôt, laissant le monde de l’art sidéré de chagrin, et le sort de son projet pour Venise dans l’expectative. Reportée à ce 27 mai, la conférence de presse qui s’est tenue dans la salle des Colonnes de la Ca' Giustinian était chargée d’une intense émotion. En préambule, Koyo Kouoh est apparue dans une vidéo : « J’ai hâte de vous retrouver à Venise en mai 2026 ! » Rapidement, Maria Cristiana Costanzo, responsable de la communication, a rompu l’attente : « Avec le soutien de sa famille, la Biennale accomplira le projet de Koyo Kouoh tel qu’elle l’a conçu et défini, avec l’intention supplémentaire de préserver, enrichir et diffuser largement ses idées et le travail qu’elle a poursuivi avec tant de dévouement jusqu’au bout. Elle en a choisi le thème, les artistes, les auteurs du catalogue, l’architecture des espaces d’exposition, jusqu’au design graphique... Tout est le résultat de son travail, qu’elle a transmis à la direction de la Biennale début avril, et auquel elle a travaillé jusqu’à début mai. » En attendant la liste des artistes, qui ne sera connue qu’en février 2026, l’équipe réunie par la commissaire – les chercheuses et curatrices Rasha Salti, Marie Helene Pereira et Gabe Beckhurst Feijoo, le critique Siddhartha Mitter, assistés du chercheur Rory Tsapayi – a lu son texte, esquissant les grandes lignes de l’exposition. Son titre « In Minor Keys » (« En gammes mineures ») cite l’écrivain africain-américain James Baldwin et appelle à « aller vers les fréquences mineures, perdues dans la cacophonie du chaos ». La métaphore de la musique, et en particulier du free jazz comme « accord entre cohérence et dissonance », se poursuit dans l’invitation à tune in (être à l’écoute, mais aussi se mettre au diapason), « méditer avec l’imprévisible », « ralentir contre la productivité », « écouter les gammes mineures qui proposent des changements radicaux, dans une partition collective et dont les artistes sont les vecteurs ». La présentation s’est terminée par un poème de Koyo Kouoh, daté de 2022 : « Je suis fatiguée. Le monde est fatigué. Même l’art est fatigué. Nous avons besoin d’autre chose. Il faut se reposer et se rétablir, retrouver la radicalité de la joie. Le temps est venu. »

© Photo Antoine Tempé.