Le Quotidien de l'Art

Expositions

L'Institut du monde arabe, vers un « musée citoyen » 

L'Institut du monde arabe, vers un « musée citoyen » 
Jack Lang à l’IMA le 2 février 2023.
© Magali Lesauvage.

Au dernier étage de l'Institut du monde arabe, ce 2 février, la question est sur toutes les lèvres, mais elle ne vient qu'en toute fin de conférence de presse : reste, reste pas ? Jack Lang, son président depuis dix ans tout pile, balaie d'un « no comment », tout en faisant remarquer que « l'IMA est né grâce à un ministre de la Culture qui porte mon nom ». Il ajoute : « Le mouvement continue ». Le président de l'IMA, qui arrive en fin de mandat, n'a manifestement aucune envie de partir. Un sentiment que partage le collectionneur et galeriste d'origine libanaise Claude Lemand, qui rend un vibrant hommage à celui qu'il considère comme « le plus grand ministre de la Culture depuis Malraux ». Autant dire que la rumeur de l'arrivée de Jean-Yves Le Drian (ex-ministre de la Défense) à la présidence de l'IMA, financé à hauteur de 12 millions d'euros chaque année par le Quai d'Orsay, ne ravit pas celui qui, avec son épouse France, a accordé une massive donation de près de 1700 œuvres d'art moderne et contemporain. De fait, l'objet de la rencontre n'est pas Jack Lang, mais le « nouveau musée » dont souhaite se doter l'IMA pour absorber la donation – accordée sans contrepartie fiscale, souligne Jack Lang, taclant au passage la loi sur le mécénat, « à revoir ». Un don pur et simple, certes, mais qui nécessite une refonte du musée, dont les collections, additionnées de nombreux dépôts, passent d'environ 3400 œuvres à 5000. Un tel cadeau a un coût certain. Le réaménagement des réserves, l'inventaire des pièces et la nouvelle scénographie sont estimés à six millions d'euros, somme accordée par le ministère de la Culture. Directrice du musée depuis 2021, Nathalie Bondil, indique par ailleurs qu'une extension destinée aux jeunes artistes, « ne saurait se faire qu'au moyen d'un mécénat complémentaire » : un limpide appel du pied aux entreprises et pays arabes qui depuis une dizaine d'années – et l'obtention du label « musée de France » – ont largement réduit leur soutien financier à l'institution née d'une union d'acteurs, du Maroc à l'Arabie saoudite, unique en son genre. Prévu pour fin 2025-début 2026, le musée occupera plus de place qu'auparavant dans le bâtiment de Jean Nouvel, avec des salles plus ouvertes vers le paysage parisien environnant, et devrait voir ses collections s'enrichir – notamment en art contemporain. Il présentera de manière permanente, et par rotations, les œuvres de la donation Lemand – une condition sine qua non. Le redéploiement transhistorique devrait se faire par thématiques. Certaines sont attendues : religions, écologie, sciences, musiques. D'autres moins, montrant la patte de Nathalie Bondil, forte de ses 13 ans à la tête du musée des Beaux-Arts de Montréal, où ces sujets sont plus facilement abordés qu'en France : décolonisation, critique de l'orientalisme, artistes femmes, peuples autochtones. La Franco-Canadienne a d'ailleurs pour mission d'ouvrir une antenne à New York. Incontestablement, l'IMA, depuis plusieurs années, ose aborder des sujets délicats (dans le monde arabe comme ailleurs) : après les expositions « Juifs d'Orient » en 2022 et « Habibi », consacrée à la scène LGBTQIA+ (prolongée jusqu'au 19 mars), est organisée en 2023 « Ce que la Palestine apporte au monde », avec Elias Ambar (directeur du musée d'art moderne et contemporain de Palestine). Pour Nathalie Bondil, ce « musée citoyen, inclusif, du mieux-être et du vivre-ensemble » doit démontrer que « la culture arabe est aussi la nôtre ». Un message fort. 

Institut du Monde Arabe.
Institut du Monde Arabe.
© Arthur Weidmann / CC BY-SA 4.0.

Article issu de l'édition N°2540