Depuis 23 ans, la toile de deux mètres de large orne les cimaises de la National Gallery de Washington D.C., qui l'acquit auprès du collectionneur Saul P. Steinberg par l'intermédiaire du marchand Richard L. Feigen. Pour le musée américain, l'extraordinaire scène décrivant la néréide Galatée conduisant triomphalement son char, une carapace de crabe hérissée, entourée de tritons, a pour auteur le peintre Bernardo Cavallino (1616-1656). La toile flamboyante déploie autour de la nymphe un vortex baroque, qu'arriment de manière quasi abstraite les brides rouges qu'elle tient d'un poing ferme. Aux Gallerie d'Italia Napoli, où elle est exposée jusqu'au 19 mars, c'est pourtant le nom d'Artemisia Gentileschi (1593-1656) qui lui est associé. Le tableau fait partie d'une série de quatre œuvres nouvellement attribuées – avec prudence – à celle qui se nommait « la pittrice », et présentées dans une exposition conçue comme la suite de celle de la National Gallery de Londres en 2020, avec pour focale les années napolitaines de Gentileschi (1630-1656). Toute la difficulté pour ses commissaires, Giuseppe Porzio et Antonio Ernesto Denunzio, est de distinguer les œuvres à la fois pensées et réalisées — au moins en partie – par la peintre (dont le total monte aujourd'hui à 77), de celles dues aux artistes gravitant autour de son atelier, dont Cavallino. Un conséquent travail de recherche dans les archives de la ville a été entrepris, livres de comptes et correspondances permettant de confirmer les attributions. Mais ce ne sont pas les seules découvertes de l'exposition, qui compte une cinquantaine de tableaux napolitains (dont la moitié de la main d'Artemisia Gentileschi). Parmi eux émerge notamment L'Enlèvement d'Europe (collection privée), splendide chorégraphie de femmes en résistance. Le nom de la peintre : Annella Di Rosa (1602-1643). Elle mérite à son tour une plongée dans les archives.
« Artemisia Gentileschi a Napoli », Gallerie d'Italia, Napoli, jusqu'au 19 mars, gallerieditalia.com/it/napoli