« Je n'aime pas l'autorité », annonce d'une voix posée Myriam Mihindou, allongée sur l'un des draps disposés dans l'espace d'exposition de La Verrière, à Bruxelles. Invitée à s'étendre à son tour, on contemple le ciel dans la lumière intense qui inonde l'espace. On vit l'instant. Tout, dans l'exposition « Épiderme » de l'artiste franco-gabonaise (l'ultime de la série entamée il y a dix ans par Guillaume Désanges pour la fondation d'entreprise Hermès), appelle à se défaire des postures habituelles. La position horizontale, déjà : le sang remonte vers le cerveau et vers le cœur, l'attention à ce qui nous entoure se fait plus sagace, la frontalité est évacuée. La main court sur les tissus de lin, gonflés de saillies de sable comme des organes spontanés, et brodés de formules d'incantation à une nature en germe : « Enséver », « Poussée racine ». Plus loin, les doigts coulent dans le sable pour dessiner des paysages aléatoires et éphémères. Le temps ralentit… Aux murs, des feuilles de papier cousues, teintées par le thé dans des ocres douces, dévoilent des locutions inventées, et forment une vaste cartographie, entre mappemonde imaginaire et tableau de classification scientifique. Si l'exposition est une expérience sensorielle, c'est une expérience de « motricité fine » (comme on nomme les premiers gestes articulés des enfants) et de rappel à l'intelligence sensible des signes de la nature (végétale, animale ou minérale) qui affleurent, sous notre peau. Reprenant contact avec le vivant, on se surprend à renouer contact avec soi-même. To suck one's teeth, dit une broderie (présentée debout celle-ci) : littéralement « se sucer les dents », équivalent américain du « tchip » africain. Ce mouvement de langue derrière les dents marque la désapprobation, le scepticisme. Une manière aussi, en se goûtant soi-même, de « simplement affirmer qu'on est présent », suggère Myriam Mihindou.
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