« Elle fait et défait sans arrêt, tout et n'importe quoi, une chose et son contraire, jusqu'à ce que ça tienne », écrit le commissaire Joël Riff, dont c'est la cinquième exposition à la Verrière. Dans un monde qui, après des décennies de productivisme et d'hymne à la croissance, prend le goût (encore relatif) de la décroissance, du statu quo, de la frugalité, le modus operandi d'Emmanuelle Castellan (ajouter, soustraire, repeindre, effacer) résonne avec des inquiétudes éternelles, mais aussi avec des angoisses très contemporaines. Née en 1974 à Aurillac, installée à Berlin depuis 2011, professeure à la Haute école des arts du Rhin, à Strasbourg, elle peint sans relâche des silhouettes indéfinissables, qui habitent des fonds colorés, un peu troubles, voilés, glauques (dans le sens du vert marin). Un poème de Muriel Pic, L'Éventail, accompagne l'exposition, parlant de « plis » et « replis », de « vagues » et « vallées », des « immenses plissures géologiques du blanc », des « immenses plissures aquatiques de l'océan », décryptant l'œuvre comme un paysage. Toute la mécanique mise en branle est d'ailleurs collective puisque le commissaire a associé d'autres artistes, de différentes époques et disciplines, dans cette mise en scène : le céramiste Johannes Nagel (né en 1979), les peintres Norbert Schwontkowski (1949-2013) et Walter Swennen (né en 1946), ou encore Dagobert Peche (1887-1923), au nom inégalable, qui ne fut ni roi ni cultivateur d'arbres fruitiers, mais décorateur des Wiener Werkstätte et inventeur d'un baroque du XXe siècle. L'art contemporain ouvre de ces perspectives...
Emmanuelle Castellan, Verrière Hermès, Boulevard de Waterloo 50, 1000 Bruxelles, jusqu'au 27 juillet 2024.
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