C'est une histoire déjà connue. Dès ses débuts ou presque, le street art – qu'on appelle alors graffiti – fut absorbé par le marché de l'art et les institutions. D'abord à New York, où il éclot spontanément autour de 1970, avant de gagner São Paulo, Berlin, Paris. En 1971, le New York Times publie la première interview d'un graffeur local, Taki 183, et un an plus tard a lieu la première exposition de graffs entoilés, à la Razor Gallery. Puis il faut attendre une petite dizaine d'années pour que cette forme d'expression clandestine gagne les institutions : à New York toujours, PS1 accueille en 1981 l'exposition « New York / New Waves », et l'année suivante Keith Haring reçoit sa première commande publique pour le Houston Bowery Wall.
Viennent ensuite de nouvelles dénominations : « street art » ou « art urbain ». « On peut dire “art de rue” ou “art urbain” mais ce sont des dénominations qui hiérarchisent. Parle-t-on d’un ''art rural'' ? », remarque Jonas Ramuz, fondateur de la maison de production d'art Quai 36. Pour le chercheur Christian Gerini, « l’appellation street art est un fourre-tout qui permet de mettre tous les acteurs du monde de la rue dans le même sac, sans distinction des différentes pratiques ». Le terme permettrait alors de tout lisser, et de dépolitiser les œuvres ou revendications de certains artistes.
Communication municipale
En France, comme ailleurs, les municipalités ont fait du street art un instrument de communication de poids. Du Havre à Pantin et Toulouse, les pignons d'immeubles se couvrent de fresques monumentales, à la joie ou non des riverains auxquels on demande rarement leur avis. Créée en 2015, Quai 36 se fixe comme objectif de « produire les conditions de la fabrique de l’art dans l’espace public, décrit Jonas Ramuz. Nous voulons apporter l’art dans les endroits où on ne pourrait pas forcément le trouver, en accompagnant des collectivités, des aménageurs et des promoteurs, dans la fabrique de la ville et l’aménagement des territoires ». Quai 36 a produit plus de 200 œuvres partout en France et jouit d’un réseau réunissant près de 500 artistes.
À Paris, les 800 mètres du tunnel des Tuileries montrent jusqu'à l'été 2023 les fresques de dix artistes, tandis que la mairie organise cet automne deux expositions importantes : « Capitale(s) » à l'Hôtel de Ville (à partir du 15 octobre), célébrant « 60 ans d’art urbain dans Paris » et « Jef Aérosol, 40 ans de pochoir » dans « des…