Il est primordial pour un artiste de disposer d’un texte critique de qualité sur son travail. C'est le souhait d'encourager ce format d'écriture qui est à l'origine des bourses Ekphrasis, lancées par l'ADAGP en association avec l’AICA France et le Quotidien de l’Art : elles ont pour objet de mettre en relation 10 artistes avec autant de critiques. Les textes des 10 lauréats de cette deuxième édition (dotés chacun de 2000 euros, couvrant la rédaction du texte et sa traduction) sont publiés au long de l'année dans le Quotidien de l'Art, au rythme d'un par mois. Dans cette septième livraison, Marion Zilio se penche sur le travail de Laurent Mareschal.
Ville cosmopolite du Proche-Orient, que l’on dit « trois fois sainte », Yeru-Shalem désigne selon ses racines chaldéennes, YeRu et ShLM, à la fois la « fondation », la « ville » et la « demeure ». Ces termes ont donné les mots shalom en hébreu et salaam en arabe signifiant la « complétude » puis, par dérivation, la « paix ». L’histoire récente n’a pas donné raison à ses origines sémantiques. La cohabitation ancestrale des peuples semble à jamais brisée, en dépit des centaines de résolutions de processus de paix.
Les sirènes, les bombes, les évacuations au quotidien instaurent un climat où nul n’est à l’abri en sa demeure. C’est ainsi que « ma maison », beiti, dont le mot est commun à l’hébreu et à l’arabe, devient chez Laurent Mareschal le point de départ d’une réflexion sur l’espoir d’une communion recouvrée et d’une domestication qui ne dit pas son nom, sur ce qui protège et menace à chaque instant de s’effondrer. En creux, ce sont les notions de construction et de déconstruction, de transmission et d’affrontement qui jalonnent une œuvre préoccupée par le temps perdu de générations meurtries.
De retour au pays, lorsqu’éclata la seconde Intifada, c’est à travers la mémoire émotionnelle que le Français cherche à conjurer son impuissance. Face à l’enlisement d’un conflit…