Le paysage
La pratique photographique d’Arnaud Lesage a pour point de départ un intérêt très vif pour le paysage. Une partie de sa démarche consiste à parcourir de nombreux kilomètres de par le monde, à la recherche d’expériences solitaires, en des lieux synonymes d’évasion et d’espaces incommensurables. Ses photographies toutefois ne montrent pas des paysages comme les autres, si on s’imagine des panoramas grandioses dont on aurait tenté de capturer l’essence. En jouant des angles de vue, le photographe met plutôt en avant des paysages silencieux et énigmatiques ; parfois présentées sous la forme d’assemblage, les images se citent mutuellement et renvoient à des jeux de comparaison où apparaissent des coïncidences fortuites. Dans d’autres séries, les images montrées seules affirment une mécanique visuelle qui retient l’attention par son caractère astucieux ou subtil, comme lorsqu’un mot d’esprit est lancé.
Ces impressions sont obtenues en favorisant des prises de vue où des composantes formelles sont amplifiées, ou en décalant l’œil de la photographie afin d’aligner les trajectoires. Avec la série des Décentrations par exemple, la disposition accidentelle d’un feuillage devient le point de fuite exact de la route qui le traverse ; avec les Openings, une vieille construction échouée au milieu des touffes irrégulières, en se présentant par l’une de ses arrêtes, est semblable à un masque indigène. Ailleurs, dans les Mirage Monuments, des configurations artificiellement obtenues par symétrie recueillent des scènes étrangement inquiétantes, comme le sont les taches bicéphales des tests de Rorschach.
L’une des conséquences de l’approche photographique d’Arnaud Lesage est que le réel se voit manœuvré dans le but d’exposer une dimension supplémentaire. Les paysages sont donc un peu plus que des paysages ; ils paraissent habités par des principes insondables mais ordonnés, où tout n’est qu’accord, géométrie et préméditation, comme si la Nature…