Face au monde brutal qui nous entoure – la pandémie qui occupe depuis deux ans l’essentiel de nos préoccupations avant que l’agression barbare déclenchée en Ukraine la remplace – nous avons bien besoin d’un peu de poésie. Le beau titre choisi par la commissaire Cecilia Alemani, inspiré d’un livre de Leonora Carrington, semble indiquer une Biennale de l’imaginaire, de celles qui fournissent l’occasion de s’échapper temporairement au royaume des songes. Mais, tôt ou tard, la réalité nous rattrapera. Ce n’est pas plus mal car l’art ne doit pas se borner à fournir de belles images. C’est dans les moments de crise que les artistes jouent à plein leur rôle de vigies, de révélateurs, et qu’ils doivent nous pousser à affronter nos peurs, nos bassesses, nos vices – intolérance et soif de pouvoir, aujourd’hui bien installées en tête du hit-parade… À cet égard, la Biennale 2022, longuement attendue, aura une dimension géopolitique affirmée. On y verra de nouvelles nations s’y afficher enfin – l’Ouganda, le Cameroun, la Namibie, Oman, le Népal. On y verra des pavillons poser les questions qui brûlent sur la décolonisation, le racisme, la violence environnementale, la guerre. On y verra de belles formes de coopération entre pays. Rendez-vous donc en France, en Ukraine, en Scandinavie avec le premier pavillon sami de l’histoire, ou aux Pays-Bas, qui, dans un geste de classe, offrent leur place à l’Estonie. Souvent vue comme un rendez-vous festif, la Biennale sera cette année empreinte de gravité. Elle essaiera d’alerter, avec ses modestes outils, un monde qui danse sur un volcan.
59e Biennale de Venise
Du 23 avril au 27 novembre 2022
labiennale.org