« Dans des moments comme ceux-ci, le fait que l'Ukraine soit représentée dans une exposition internationale est plus important que jamais. Lorsque le droit à l'existence de notre culture est remis en question par la Russie, il est crucial de montrer nos réalisations au monde. » C’est par ces mots de combat que Maria Lanko, Lizaveta German et Borys Filonenko, commissaires du pavillon ukrainien, avaient confirmé leur participation à la Biennale mi-mars, alors que le pays, envahi fin février par les troupes de Vladimir Poutine, s’enfonçait chaque jour un peu plus dans le chaos. Comme une allégorie tragique de la guerre et ses dévastations, The Fountain of Exhaustion (1995), l’œuvre de Pavlo Makov présentée par le pays à l’Arsenale, a été fortement endommagée par les bombardements ravageant la ville de Kharkiv, où l’artiste réside depuis plusieurs décennies. Ses fragments ont pu être évacués de justesse par Maria Lanko, transportés en voiture jusqu'à Milan. C'est là que la sculpture a pu être reconstruite, avant de rejoindre enfin la cité des doges. Reconstruire, recoller les morceaux : telle est la destinée symbolique de cette sculpture cinétique composée de 78 entonnoirs en bronze disposés les uns au-dessous des autres en forme de pyramide, montés sur une plate-forme de trois mètres carrés. L'eau versée dans chaque entonnoir y coule en deux courants, alimentant la pyramide dans un flot se raréfiant à mesure qu’il descend vers sa base. Seules quelques gouttes atteignent le fond. L’idée de cette création avait surgi dans l’imagination de l’artiste alors que la ville de Kharkiv faisait face à une série d'inondations survenues au cours de l’été 1995, après de longues semaines de sécheresse. La ville connaissait alors son acqua alta : le pont avec Venise est là. Les importants dégâts causés par ces phases de sécheresse et d’intempéries, couplées à l’effondrement économique de l’Ukraine après l’implosion de l’URSS, avaient été interprétés par Pavlo Makov comme le symptôme d’un épuisement général, celui de l’environnement, du sociétal et de l’humain. Vingt-sept ans plus tard, cette œuvre prend désormais une nouvelle dimension, et résonne encore plus fortement dans l’actualité. Contre toute attente, le pavillon ukrainien tient bon, incarnant le courage et la dignité de tout un peuple dressé contre la destruction de son identité.
Pavillon ukrainien : transcender l'épuisement d'un peuple
En butte à l'agression russe, l'Ukraine a réussi à assurer, dans des conditions difficiles, sa présence.