Le Quotidien de l'Art

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L'Ukraine tirée par les cheveux

L'Ukraine tirée par les cheveux

Les artistes ont parfois un don de prescience... L'impressionnante installation de Lucy McKenzie, artiste écossaise née en 1977 et installée depuis 2006 à Bruxelles où elle a fini ses études, est inspirée du muralisme mexicain et du réalisme socialiste. Dernier opus du cycle « Matières à panser » de Guillaume Désanges, nouveau président du Palais de Tokyo, ces fresques couvrent trois parois de La Verrière - Hermès. Dans cette narration très personnelle s'entremêlent des univers a priori déconnectés : l'histoire de la mode en Union soviétique ; l'oppression de mandarins intellectuels (Georg Simmel, Adolf Loos, etc.) sur la créativité féminine ; l'éloge de l'évasion et des atlas (où l'on apprend que de grandes figures féminines comme Eileen Gray ou Elsa Schiaparelli tapissaient leurs intérieurs de cartes géographiques). « Pendant le Covid, j'ai passé beaucoup de temps dans les livres de ma bibliothèque pour faire des recherches », explique l'artiste qui donne sur un mur un exposé édifiant des fashion weeks sous Khroutchev : de gris fonctionnaires du parti vérifient la longueur des robes et valident la prochaine collection de prêt-à-porter... Dans cette composition foisonnante, une scène attire le regard : une jeune femme voit ses longues nattes cisaillées sans pitié par Coco Chanel et Le Corbusier, figures sévères et intolérantes. On pourrait la prendre pour Frida Kahlo. En réalité, la malheureuse porte un costume traditionnel ukrainien. Violentée, tiraillée, sa beauté et son intégrité menacées : peinte bien avant l'invasion, une étonnante allégorie de l'actualité...

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Article issu de l'édition N°2344