Cabinet de curiosités XXL
Commissaire de la célèbre exposition « Les magiciens de la Terre » à Beaubourg en 1989, mais aussi de « Autels » à Düsseldorf en 2001, Jean-Hubert Martin s’y connaît en analogies : il aime à rapprocher des œuvres que rien ne prédispose à cette proximité pour les faire parler, comme en un lapsus freudien, établissant des chaînes inattendues de formes, de couleurs ou d'idées… Il s’y est essayé au Grand Palais à Paris avec « Carambolages » et plus récemment au musée Pouchkine de Moscou (en cours). Ici, il étend la démonstration sur deux étages, faisant sortir des réserves un jeton de maison close, un pistolet microscopique ou une enseigne d’auberge, rapprochant un Armleder d’un drapeau d’infanterie genevois, et les mêlant aux classiques de la maison comme les Hodler, les Vallotton ou la Fontaine personnifiée d’Agasse…
« Pas besoin d’un dessin », jusqu’au 19 juin, au Musée d'art et d'histoire de Genève, institutions.ville-geneve.ch
Céramiques magiques
Le musée Ariana laisse carte blanche au plasticien français Alexandre Joly pour créer des jeux de miroirs et de sons entre certaines des plus belles pièces de porcelaines chinoise et japonaise issues des collections de l’institution. S’attachant à extraire la musique intérieure de chacun des vases, l’artiste s’est approprié leurs formes et motifs en concevant un ballet visuel et sonore cosmogonique où chaque objet entre en résonance avec son voisin, empruntant à l’esprit philosophique du yin et du yang si cher aux taoïstes.
« Vases communicants », jusqu’au 7 août, au musée Ariana, musee-ariana.ch
Pierre Soulages et Tanabe Chikuunsai IV, rencontre en clair-obscur
Le pays du Soleil levant démontre une affection toute particulière pour la poésie graphique et atemporelle de l'œuvre de Pierre Soulages, dont les respirations chromatiques invitent à la méditation. La Fondation Baur initie une conversation franco-japonaise entre l'Aveyronnais et Tanabe Chikuunsai IV, héritier d’une prestigieuse lignée de vanniers nippons. Ses tressages de bambou, dont les lignes et les nœuds rappellent « l’écriture des branches dans l’espace » de l’artiste de Rodez, se confrontent aux toiles du maître, dans un jeu de sculptures abstraites.
« Éloge de la lumière - Pierre Soulages - Tanabe Chikuunsai IV », jusqu’au 27 mars, à la Fondation Baur, musée des Arts d’Extrême-Orient, fondation-baur.ch
Dante, 700 ans et toujours fringant
Le plus célèbre des écrivains italiens voit ses 700 bougies célébrées en grande pompe avec en filigrane une question : comment lire Dante aujourd’hui ? Pour y répondre, un parcours d’exposition en trois temps, qui détaille d’abord les grands lecteurs d’Alighieri, de Charles Baudelaire à David Bowie, qui dévoile ensuite une recréation de la bibliothèque du poète, tissant un dialogue entre ses textes et ceux qu’il lisait. La troisième partie met quant à elle un coup de projecteur sur l’homme, grâce à une collection d’objets appartenant à la Fondation Martin Bodmer, montrés pour la première fois au public.
« La Fabrique de Dante », jusqu’au 28 août, à la Fondation Martin Bodmer, fondationbodmer.ch
L’image humanitaire décryptée
L’image humanitaire a particulièrement marqué l’histoire de la photographie des XXe et XXIe siècles, devenant le témoin emblématique des crises et conflits mondiaux dans les médias. Omniprésente dans l’actualité, elle nous dit souvent peu de la réalité du terrain expérimentée par ceux qui la captent. Avec plus de 600 images de 1850 à nos jours, « Un monde à guérir » s’appuie sur deux années de recherches menées au sein des collections du MICR, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, avec des clichés de Werner Bischof, Susan Meiselas ou encore Henri Cartier-Bresson.
« Un monde à guérir », jusqu’au 24 avril, au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, redcrossmuseum.ch
Les machines infernales de Dennis Oppenheim
Le sculpteur américain Dennis Oppenheim (1938-2011) a dévoué la seconde partie de sa carrière à l’espace urbain, qu’il investissait d’installations en forme de machines infernales. Métalliques ou caoutchoutées, souvent entremêlées, défiant parfois les lois de la gravité, ses créations questionnent l’intervention humaine dans son environnement et les évolutions technologiques des années 1980, tout en se nourrissant de références à Van Gogh, Tinguely, Mondrian et Duchamp.
« Dennis Oppenheim », jusqu’au 5 juin, au MAMCO Genève, mamco.ch
SOS environnement
Un passage est particulièrement troublant : celui où est exposé le destin des habitants de l’atoll de Bikini, sacrifiés sur l’autel des essais atomiques… Ils mettront des décennies à pouvoir réintégrer leurs terres. D’autres exemples, agrémentés d’œuvres créées pour l’occasion, provenant de communautés en Europe, Amérique ou Asie, montrent comment les savoirs autochtones, longtemps méprisés, sont en réalité des outils formidables pour lutter contre la dégradation de l’environnement et l'urgence climatique.
« Injustices environnementales, alternatives autochtones », jusqu’au 21 août 2022, au MEG (Musée d'ethnographie de Genève), meg.ch
Lignereux, retour vers le XVIIIe siècle
C'est le nom d'un mythique marchand-mercier de Paris à la veille de la Révolution, qui façonnait les pièces de mobilier les plus recherchées de son temps. Son esprit revit dans un collectif emmené par Gonzague Mézin, qui mobilise des savoir-faire remarquables pour produire, à une cadence tout aussi rare et en respectant les mêmes impératifs de qualité et de préciosité, des objets d'art. L'exposition en présente 24, en vis-à-vis d'une sélection de porcelaines du XVIIIe siècle.
« Important nothings by Lignereux », jusqu'au 7 mai 2022, à l'Espace Muraille, https://espacemuraille.com
Atys, joyau baroque
Distribution particulièrement remarquée pour cet opéra baroque de Lully, remonté pour la première fois depuis les Arts florissants de William Christie. Sous la direction musicale de Leonardo García Alarcón, avec une chorégraphie d’Angelin Preljocaj, c’est Prune Nourry qui fait ses débuts dans la scénographie d’opéra, tandis que Jeanne Vicérial soigne les costumes. Des éléments du projet sont montrés sur le stand du Grand Théâtre à artgenève.
« Atys », du 27 février au 10 mars, au Grand Théâtre (puis du 19 au 23 mars à l’Opéra royal de Versailles), gtg.ch
Un peu plus loin, à Annemasse… Echappées marocaines
C’est à une véritable exploration d’archives immatérielles qu’invite la Villa du Parc, fidèle à son engagement dans des recherches sociales significatives. Fenêtre ouverte sur le Maroc, l’exposition a été élaborée par le Cube, espace d’art indépendant de Rabat. Par le biais de médiums traditionnels mais aussi de la vidéo et du son, les trois artistes, M’Barek Bouhchichi, Abdessamad El Montassir et Sara Ouhaddou, font resurgir les gestes ancestraux pré-industriels (dinandiers, potiers et autres artisans) qui mutent dans le monde de la production en série, et se penchent sur le rôle de l’oral dans la transmission de savoirs et d’images.
« Quand je n’aurai plus de feuilles, j’écrirai sur le blanc de l’œil », à la Villa du Parc, Annemasse, jusqu’au 7 mai.
villaduparc.org