Qu'ils souhaitent travailler au sein de musées, archives, monuments historiques, DRAC ou muséums d'histoire naturelle, qu'ils aient été reçus dans les catégories de musées d'État, territoriaux ou de la Ville de Paris, les futurs conservateurs ne sont pas logés à la même enseigne. « Dans un cas comme dans l'autre, l'INP est seulement responsable de l'attribution du diplôme », précise Christian Hottin, directeur des études pour les conservateurs. Les reçus pour les musées d'État et de la Ville de Paris sont « titularisés et affectés à un poste au 1er juillet de l'année de leur diplôme », détaille-t-il. Les jeunes conservateurs de « territo » doivent quant à eux chercher eux-mêmes leur poste, raconte une conservatrice : « Une fois que nous prenons nos fonctions, nous restons stagiaires six mois avant d'être titularisés ».
Comment expliquer cette différence de traitement ? « La fonction publique territoriale est décentralisée, précise Christian Hottin. Chaque collectivité s'administre librement alors que pour les élèves diplômés en musées d'État, l'employeur est le ministère de la Culture. » Par ailleurs, si les jeunes conservateurs en territorial ne trouvent pas un poste dans les deux ans qui suivent l'obtention de leur diplôme, ils « perdent le bénéfice du concours ». Mais ces cas de figure sont rares chez les conservateurs car des postes en musées territoriaux sont régulièrement ouverts. « Dans ma promotion, la majorité de mes collègues en ‘territo’ ont trouvé un poste directement à leur sortie de l’INP. Ils sont suivi en parallèle de l’INP par l’INET, l’Institut national des Etudes territoriales, qui les accompagne dans leur recherche d’emploi. Il y a par ailleurs beaucoup d’offres de direction d’établissements, ce à quoi de jeunes conservateurs ne souhaitent pas forcément se confronter en premier poste », se souvient Jean-Baptiste Delorme, aujourd'hui responsable des arts plastiques (1945-1989) au CNAP. Ainsi, avant même la fin de leur année scolaire, certains conservateurs territoriaux prospectent et candidatent à des offres d'emplois.
Frustrations
Si en État, les diplômés ont l'assurance d'avoir un poste, les affectations sont parfois source de frustrations, voire de conflits en interne. « Dès nos premiers jours à l'INP, nous avons un rendez-vous au service des musées de France lors duquel nous évoquons nos envies et projets de carrière. Nous en avons deux autres au cours de notre scolarité mais ce sont toujours des rendez-vous en groupe où il est parfois difficile de s'exprimer », se souvient le jeune conservateur. D'anciens élèves nous rapportent par ailleurs que « tout se fait de manière informelle : on nous demande de faire une liste de vœux, mais en réalité c'est prédéterminé ». Et de poursuivre : « Nous devons effectuer une liste de trois vœux mais savons déjà souvent vers qui ils sont fléchés. Si plusieurs font le même premier choix, c'est à l'établissement qui le propose de trancher ». De son côté, Christian Hottin en a conscience, « on ne trouve pas toujours le poste qui correspond le mieux aux envies de l'élève ». Il se souvient d'une « jeune conservatrice spécialisée en antiquités grecques qui a dû prendre un poste qui n'était pas son premier choix ».
Dans beaucoup de cas cependant, les conservateurs déçus peuvent rapidement changer d'établissement par voie de mutation. C'est ce qu'a fait Etienne* après 18 mois passés au musée où il avait été envoyé. Il garde un souvenir amer de la manière dont s'est déroulée sa première affectation : « En tant que conservateurs-stagiaires Etat, nous n’avons pas le droit de candidater officiellement à des postes en cours de publication, explique-t-il. Un poste m’intéressait particulièrement et la prise de fonction correspondait à ma sortie de l’INP. J’avais eu un très bon retour du directeur d’établissement et tout semblait bien parti, mais l’INP et le SMF ont fait barrage à ma candidature au motif qu’elle n’était pas légale. La situation s’était pourtant produite avec un de mes collègues quelques mois plus tôt sans que cela pose problème. Le respect des règles est donc assez aléatoire… J’ai finalement été affecté à un poste compliqué sans que mon avis soit pris en compte. »
Officiellement, ce sont les différents services (archives, musées, architecture, patrimoine) de la direction générale des patrimoines et de l'architecture qui ont la décision finale des affectations. « C'est eux qui savent où il y a une place, précise Christian Hottin. L'INP peut être plus ou moins sollicité mais généralement, l'administration centrale a sa propre vision des postes à pourvoir. Mais depuis quelques années, un dialogue se met en place et on prospecte davantage ensemble sur les postes. »
* Le prénom a été modifié.