Le Quotidien de l'Art

Marché

Eve de Medeiros, créatrice de DDESSINPARIS « Rendre le dessin contemporain accessible au plus grand nombre »

Eve de Medeiros, créatrice de DDESSINPARIS « Rendre le dessin contemporain accessible au plus grand nombre »
Eve de Medeiros.
Photo Estera Tajber.

Comment est née l’aventure DDESSINPARIS ?

De ma passion pour le dessin, assurément ! J'ai saisi des opportunités de rencontres et de collaborations qui ont confirmé, pendant les quinze premières années de ma carrière professionnelle, un goût assidu pour ce médium qui me fascine depuis très jeune. En collaborant à la promotion de collections privées, j'ai vu évoluer un marché du dessin contemporain aujourd'hui encore en mutation. Mes intentions étaient déjà très claires : faire sortir le médium de ses frontières traditionnelles en valorisant le travail d'artistes émergents, voire inconnus, et en facilitant leur inscription dans le monde de l'art. DDESSINPARIS est le fruit d'une réflexion personnelle mûrie pendant plusieurs années autour d'une problématique simple : comment exposer l'émergence aux côtés d'artistes plus établis et défendus par des galeries tout en attirant des collectionneurs aux exigences diverses et en rendant le dessin contemporain accessible au plus grand nombre de visiteurs. C'était un véritable défi qui n'avait pas encore de modèle.

Comment définir l’âme du salon ?

Lorsque le dessin n'attirait pas encore de nombreux collectionneurs comme c'est le cas aujourd'hui, il a fallu de l'audace pour revendiquer des choix artistiques divergents et inviter de jeunes galeries à présenter le travail d'artistes encore peu connus. C'est la volonté que j'ai décidé de porter dès la conception de DDESSINPARIS : créer un espace de rencontres fluides à deux vitesses, d'abord entre les artistes, les galeries et les collectionneurs, puis entre les œuvres et leurs spectateurs. Si notre volonté initiale de soutenir la diversité des pratiques du dessin n'a pas changé, nous repensons chaque année les formats de nos propositions et avons mis en place de nouveaux univers à l'intérieur du salon. En 2018, nous avons par exemple conçu un nouvel espace d'exposition, la Pépinière d'artistes, qui invite un quatuor de très jeunes artistes dont l'approche du médium est novatrice. Nous avons repoussé un peu plus les limites du dessin dès la première édition, lorsque nous avons créé la Black Box : l'art graphique investit les écrans dans une dynamique transmédia. L'éclectisme de ces propositions dans l'enceinte d'un même événement est plutôt rare, c'est un parti pris que nous défendons et continuerons de développer dans l'avenir.

Quels artistes a-t-il contribué à affirmer ?

Spontanément, je pense à Massinissa Selmani, dont le travail a été présenté à deux reprises, en 2014 (cette même année, une partie de la série « À-t-on besoin des ombres pour se souvenir » a été acquise par le cabinet d’art graphique du Centre Pompidou, l’autre partie par des collectionneurs de DDESSINPARIS) et en 2015. Salué par une mention spéciale du jury de la 56e Biennale de Venise en 2015, il a été lauréat du prix Art Collector en 2016 et du prix Sam Art Projects la même année, invité par le Palais de Tokyo, après de nombreuses expositions en France et à l'étranger. On a tendance à oublier un peu les origines de l'engouement soudain des institutions culturelles pour certains artistes : notre mission est précisément de propulser des carrières comme celle de Massinissa Selmani, Nidhal Chamekh, Jérôme Zonder, Nu Barreto, Nelson Makamo, Sarah Navasse, présentés pour la première fois dans le cadre de DDESSINPARIS. Ces artistes connaissent aujourd’hui une renommée internationale en France comme à l’étranger. Notre vision transversale et décloisonnée du dessin contemporain nous engage à récompenser le travail d'artistes aux approches expérimentales, ce que nous faisons depuis la création du prix DDESSINPARIS en 2013. Parallèlement, je propose chaque année un « coup de cœur » qui m'est tout à fait personnel et qui permet aux artistes choisis d'occuper une place privilégiée pendant l'événement. Nombre d'entre eux ont vu s'ouvrir des opportunités insoupçonnées grâce à l'intérêt que leur travail a suscité. Je pense à François Réau, François Andès, à Annina Roescheisen, à Samuel N'Gabo Zimmer l'année dernière, à Yann Bagot pour cette 9e édition.                                     

Quelles ont été les difficultés particulières pour cette édition 2021 ?

Notre plus grande crainte était d'être tenus de reporter cette édition à l'année prochaine. Heureusement nous avons fait tout notre possible pour qu'il ait bien lieu, en continuant de s'inscrire dans le réseau des salons de la semaine du dessin parisienne. Dans le contexte actuel, chaotique pour la grande majorité des acteurs du monde de la culture, il faut faire preuve de flexibilité et de compréhension à l'égard de tous nos collaborateurs : les jeunes galeries dont nous soutenons les efforts de défrichage ont paré le coup de la pandémie, mais certaines qui étaient programmées ne sont finalement pas présentes. Il a fallu repenser la dynamique de cette édition. Nous avons fait le choix d'une présentation plus intimiste entre les murs d'un hôtel particulier au 40, rue de Richelieu, le Molière, à proximité de notre lieu d'origine, l'Atelier Richelieu. 

Comment voyez-vous l’évolution à l’horizon de 10 ans ?

D'un salon novice aux propositions inattendues lorsqu'il a été créé en 2013, DDESSINPARIS est devenu un rendez-vous immanquable de la semaine annuelle du dessin. Nous avons su trouver notre place et jouissons aujourd'hui d'une véritable légitimité. Je veux continuer à donner corps à ma vocation : partager ma passion pour le dessin dans un climat de confiance et de circulation des idées. Ce qui est gratifiant, c'est de voir que chaque année de nouveaux réseaux se tissent sous les cimaises de DDESSINPARIS, de nombreuses galeries nous réitèrent leur fidélité, les artistes nous confient leurs œuvres et voient très souvent leurs espoirs récompensés parce que le salon est pour eux un véritable tremplin. Il faut que DDESSINPARIS poursuive ce dessein. J'envisage de faire intervenir plus de spécialistes du dessin contemporain et des transmédias ; leur expertise et leur goût pour le partage apportent à notre sélection un éclairage tout à fait singulier, très enrichissant. Je souhaite aussi déployer le réseau de nos partenaires institutionnels afin de donner au prix DDESSINPARIS une place essentielle : en récompensant de jeunes artistes émergents, ce prix a propulsé des carrières aujourd'hui internationales. Les circonstances de la crise sanitaire nous rappellent qu'il faut parfois être patient et résilient, sans jamais perdre de vue son cap. Le nôtre est optimiste.  

Eve de Medeiros.
Eve de Medeiros.
Photo Estera Tajber.
DDESSIN 2018.
DDESSIN 2018.
Photo Diane Arques/Adagp, Paris 2021.
DDESSIN 2018.
DDESSIN 2018.
Photo Diane Arques/Adagp, Paris 2021.
DDESSIN 2018.
DDESSIN 2018.
Photo Diane Arques/Adagp, Paris 2021.
DDESSIN 2018.
DDESSIN 2018.
Photo Diane Arques/Adagp, Paris 2021.

Article issu de l'édition Hors-série du 07 juin 2021