L’issue était prévisible : Nicolas Bourriaud a été débarqué du Mo.Co, structure tripartite regroupant l’école supérieure des Beaux-Arts (ESBA), le centre d’art La Panacée ainsi que l’Hôtel des collections qu’il avait inauguré en juin 2019, à Montpellier. Le nouveau maire PS de la ville, Michaël Delafosse, qui s’emploie à détricoter l’héritage de son prédécesseur, Philippe Saurel, n’avait pas fait mystère de ses doutes quant au budget de l’établissement public – 6 millions d’euros annuels – et à la programmation qu’il souhaite désormais réorienter. Un appel à projet a été lancé en mars et deux finalistes ont alors été désignés : Ashok Adiceam et Numa Hambursin. Le premier a fait ses armes dans des Instituts français à l’étranger, puis auprès de collectionneurs tels que Bernard Magrez et Budi Tek dont il dirigeait les musées privés, avant de rejoindre la galerie Dag à Delhi. Directeur artistique du Carré Sainte-Anne de Montpellier de 2010 à 2017, Numa Hambursin dirige aujourd’hui le pôle d’art moderne et contemporain de la ville de Cannes, tout en étant aussi le directeur artistique de la Fondation d’entreprise Helenis.
Après avoir plaidé en février pour le maintien de Nicolas Bourriaud, les étudiants des Beaux-Arts montent aujourd’hui au créneau contre la candidature de Numa Hambursin, dont ils jugent le projet « indigent » et par trop critique des trois entités composant le Mo.Co. Ce programme baptisé Mo.Co 2.0, que nous avons pu nous procurer, accable il est vrai le bilan de son prédécesseur, en particulier l’Hôtel des collections qualifié de « maillon faible à réformer ». Il s’agit pour lui de « désenclaver » et de réorienter ce lieu jusque-là uniquement dédié à l’exposition de collections privées. Or, estime-t-il, un établissement public ne devrait avoir pour unique vocation la valorisation notamment économique d’ensembles privés. Sans renoncer aux collections privées, il souhaite privilégier des expositions d’été monographiques d’artistes internationaux tels que Neo Rauch, Cecily Brown, Kader Attia, Marlene Dumas, Francesco Clemente et Nicole Eisenman. Au menu aussi un festival « Urbain et orbi », dédié au street art, des expositions des artistes de la résidence Black Rock de Kehinde Wiley à Dakar, et, promet-il, une plus grande attention envers les quartiers périphériques de la ville.
Face à lui le projet très détaillé d’Ashok Adiceam, intitulé MO.CO&CO, dont nous avons aussi obtenu une copie, souhaite s’ouvrir à l’art numérique, la bande dessinée, l’art urbain, mais plus encore à la diversité, au féminisme et à l’écologie, thématiques on ne peut plus dans l’air du temps. Son calendrier – très précis – prévoit en 2022 une exposition baptisée « L’urgence ? (Humanisme, diversité) », dont le commissariat serait assuré par Jean-François Chougnet, président du Mucem à Marseille, puis « Life is a Beach! L’Artiste face à la Mer » avec comme commissaire associé le sociologue Bruno Latour, en collaboration avec Science Po/Campus Méditerranée de Menton et enfin, en 2023 « Post Human, Post Woman » confié à Camille Morineau, directrice de l’association Aware. Verdict à l'issue du conseil d'administration le 23 mars.