23 février 2002. Palais des Sports de Marseille. Fin du huitième round. L’Américain Virgil Hill, terrassé, reste assis sur son tabouret et ne retourne pas sur le ring à l’appel de la 9e reprise. À cet instant décisif, le boxeur français Jean-Marc Mormeck, 29 ans, est proclamé champion du monde des lourds-légers, détrônant son adversaire, figure tutélaire de la discipline des années 1990.
Ce moment de latence et de tension extrême, entre la fin d’une lutte acharnée et la gloire imminente de Mormeck, est immortalisé dans le tableau de Julien Beneyton intitulé Un combat (2017). L’atmosphère est brûlante, la foule de spectateurs est en ébullition. Tous les éléments du storytelling et du mythe en train de se construire sont présents, des grandes affiches du duel qui restera dans les annales, jusqu’à la coiffe de chef indien que portera Mormeck une fois déclaré vainqueur. Pourtant, c’est bien l’attente, ce suspens dans cet espace vide du ring central, privé temporairement de ses lutteurs, qui domine le tableau. Ce ring, au sein duquel on se bat, on se déchaîne, on va au bout de ses limites, s’érige telle une forteresse en passe d’être assiégée. Il impose au regard son caractère d’hétérotopie : il est une utopie dans le réel, un lieu qui fonctionne avec ses propres règles, sa propre temporalité, en dehors des codes sociaux. Ici, « ce qui va advenir », et la part d’imaginaire qui en découle, est le véritable sujet.
La question de la représentation du réel en peinture a toujours été une préoccupation majeure du médium. Mais c’est finalement la notion même de réalité (matérielle, spirituelle,…