Faire de la banlieue une capitale. Tel est le projet porté depuis décembre par la ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), candidate au titre de « capitale européenne de la culture » en 2028. Pour le maire socialiste de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, cité par le quotidien Les Échos, cette candidature doit permettre de « diversifier les pratiques culturelles, d’en inventer de nouvelles, de soutenir les artistes et de démocratiser l'accès à la culture ». L’enjeu est grand pour l’édile, qui avait signé dès 2013 un livre en forme de déclaration d’amour à sa ville, Et si la banlieue n’existait plus ? Saint-Denis demain.
Et si la banlieue n’existait plus ? C’est le pari du Grand Paris Express qui, à l’horizon 2030, doit relier le centre de la capitale à 68 nouvelles gares. « On était longtemps en dehors, maintenant on est à côté, un jour on sera dedans », espère Alexia Fabre, directrice du MAC VAL, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Pour autant, si certaines communes de la petite et moyenne couronne sont enclavées – il faut une heure trente pour faire le trajet Paris-Montfermeil –, l’art le plus actuel y prospère de longue date. Loin d’un désert culturel à évangéliser, ces territoires abritent des structures radicales, originales et prospectives comme la Maison des arts de Malakoff ou la Galerie Édouard Manet à Gennevilliers. « Les structures en banlieue sont habituées au pas de côté, analyse Alexia Fabre. On a une obligation d’expérimentation, on essaye, on réussit, on foire, on réessaye. Ce n’est jamais gagné. » Loin d’être une verrue parachutée dans ce département de gauche, le MAC VAL a recruté localement – un tiers de ses agents habitent à Vitry – et su conquérir, de haute lutte, une audience de proximité – 65 % de ses visiteurs viennent du Val-de-Marne. Malgré tout, beaucoup reste à faire encore. Ainsi la mise en place expérimentale de la gratuité de mi-juin à mi-septembre a vu affluer beaucoup de primo-visiteurs. « Notre devoir est de former un public, rien n’est jamais acquis, c’est épuisant et merveilleux à la fois », martèle Alexia Fabre. Le cneai – installé depuis 2017 à Pantin, mais dans l'attente d'intégrer son nouveau bâtiment (lire l'Hebdo du 26 juillet 2019) – a quitté les Yvelines pour la Seine-Saint-Denis : « Nous avions le sentiment que le travail avait été fait à Chatou, affirme la directrice du centre d’art Sylvie Boulanger. Et depuis trois ans, nous constatons qu'environ 50 % du public qui vient dans nos expositions à Pantin sont des primo-visiteurs. »
Faire émerger des voix
En 2005, les émeutes qui suivirent la mort de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, poursuivis par la police, ont fait prendre conscience de l'urgence à faire reculer la violence tant réelle que symbolique dans les banlieues françaises. Si la volonté politique de l'État n'a pas fait long feu, acteurs et actrices de la culture, que ce soit au niveau associatif ou des collectivités, montent au créneau depuis déjà plusieurs décennies. Initié par Jérôme Bouvier et soutenu par les collectivités et le ministère de la Culture, le projet des Ateliers Médicis, lancé en 2016 à…