En 2003, la collaboration entre Takashi Murakami et Louis Vuitton pour une collection de sacs a créé un précédent. Si le succès commercial fut immédiat, le rapprochement a été mal perçu dans le monde de l’art. Depuis, les mentalités ont changé. Pourquoi, selon vous ?
Il faut préciser que la collaboration avec Takashi Murakami n'a certes pas été bien accueillie en Europe, mais très bien reçue en Asie, où le monde de l’art n'est pas nécessairement dissocié de celui du commerce. Si l'on observe le développement des grands magasins au Japon, on constate que l'art y a été vendu depuis le début. Takashi Murakami avait tout à fait conscience du fait que le manga, considéré comme une forme d’art dans son pays, ne l’était pas en Occident, où on a tendance à reléguer cet univers et celui de l’anime à l’enfance. Pour Louis Vuitton, l’enjeu était de conquérir la clientèle asiatique, le Japon étant alors un marché important. Choisir un artiste qui incarnait une certaine esthétique, une certaine vision de la culture japonaise, relevait d’une vraie stratégie de marque qui s'est transformée en une collaboration de longue durée. Jusqu’au milieu des années 2010, les critiques venant du monde de l'art étaient en effet encore nombreuses : beaucoup voyaient ce type d’association comme purement mercantile. Les mentalités ont changé ces dernières années car le secteur artistique a réalisé que le luxe apporte des moyens financiers tels que, pour les artistes, de nouvelles portes s’ouvrent. Il faut aussi prendre en compte l'évolution des pratiques de consommation, comme des manières de voir l’art, qui ont tendance à se confondre de plus en plus.