Un couple d’amis artistes m'a un jour parlé de Stéphane Belzère comme d’un peintre occupé par la maison héritée de ses parents, également peintres. Ils m’invitèrent à le visiter, lui et cette maison qui le tenait. Par un dimanche gris et calme, nous avons pris le train jusqu'à la gare de Cormeilles-en-Parisis. Je le trouvai nous attendant sur le seuil qui le séparait de la rue. L'entrée se fit par un salon tapissé de fleurs, meublé façon 19e avec des armoires vitrées bourrées de bibelots. Sur un mur, des plâtres de pieds et d'avant-bras destinés aux études anatomiques pendaient à des crochets comme des gants de boxe.
Belzère est un enfant de la balle. Dans cette maison, parmi autres divertissements de fin de semaine, il passait les vernis sur les toiles de son père et triait les tonneaux de pigments dans la cave. Pour sa mère, la peintre Suzanne Lopata, il imprimait des lithographies dans un atelier aménagé à l'arrière de la maison. Dans le jardin, des peintres et amis de la famille installaient régulièrement leur chevalet, exerçant leur art « sur le motif », en marge d'une histoire engagée par le cubisme et l'abstraction. Stéphane Belzère s’inscrit dans un héritage qui a pour âge d'or la peinture du 19e siècle et pour matière biographique une relation d’apprentissage, d’émulation et de rivalité avec son père, Jürg Kreienbühl1.
La photographie et les sciences de la vision ont eu une incidence décisive sur le cours des arts visuels en encourageant les arts abstraits. Cette orientation n’intéressera pas directement Kreienbühl pour qui la peinture repose plus fondamentalement sur une science de la géométrie et de la figuration issue de la Renaissance. D’après lui, il est néanmoins essentiel qu’une peinture figurative comporte une part d’abstraction, sans quoi elle n’est qu’illustration. C’est pourquoi, chez les Kreienbühl, on proscrit l’emploi de l’appareil photo comme aide-mémoire à la réalisation de tableaux. Pratiquer pleinement la peinture consiste à voir à travers elle, à opérer par…