Dans le lexique post-Covid-19, le mot « distanciation » occupe la première place, au coude-à-coude – sans mauvais jeu de mots – avec « gestes barrière ». Paradoxalement au même moment, un autre vocable, son exact opposé, a fait son apparition : proximité. Comme « commerce de proximité », et désormais « musée et monument de proximité », tel que l’a formulé le 6 mai un communiqué du ministère de la Culture. Avec en creux l’idée de consolider le lien social et, soyons fous, cultiver les élans de solidarité. Ainsi monte une nouvelle petite musique, celle de l’ancrage local et du circuit court, avec une offre plus réduite et davantage implantée sur le territoire. « L’argent doit moins aller aux lieux très aidés qu’au réseau associatif de proximité, moins à Paris et plus dans les régions, et il faut arrêter de sacrifier aux touristes le public local. Sinon la culture sera la cible de nouveaux “gilets jaunes” », martelait l’universitaire Jean-Michel Tobelem, interrogé le 30 avril par Le Monde. Les institutions en région ou en banlieue n’ont pas attendu le Covid-19 pour faire du local leur mot d’ordre. Ainsi, 67 % des visiteurs du MAMC+ de Saint-Étienne sont originaires du département de la Loire, et 70 % du public du MAC VAL à Vitry-sur-Seine viennent du Val-de-Marne. « On a le public qu’on mérite », sourit Alexia Fabre. La directrice du MAC VAL n’a pas oublié, à l’ouverture du musée en 2005, la « condescendance bienveillante » de ses pairs, les mêmes qui aujourd’hui se demandent comment ferrer une audience à portée de main qui pourtant jamais ne franchit leur porte. « On me demandait si ça valait vraiment la peine de toucher le public local », s’étonne-t-elle. La course à l’autofinancement, un public étranger captif, le besoin de rayonnement des édiles et les modes de calcul des retombées touristiques expliquent en partie les réticences de certaines grosses machines parisiennes. « L’idée que seuls les touristes venus de très loin contribuent à l’économie d’une ville est fausse, objecte Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens. On oublie aussi que l’économie, ce n’est pas seulement de l’argent, mais une création de valeur et de qualité de vie. C’est en soignant d’abord son public local qu’un musée peut développer le tourisme et non l’inverse. »
Approche inclusive
À Vitry-sur-Seine, ville enclavée, précipité de toutes les vagues d’immigrations, la population est jeune, à très faibles revenus. Difficile, si ce n’est impossible, pour ces jeunes, d’accéder aux grands équipements parisiens, trop éloignés géographiquement et culturellement. Alexia Fabre le sait, le goût pour l’art, surtout le plus complexe, se forge jeune, à l’école, et se construit avec l’appui des milliers de lieux de proximité, les associations de quartiers, qui répandent la bonne parole culturelle. Aussi son musée s’est-il d’emblée appuyé, via son service culturel, sur le maillage des associations locales et centres de loisirs. « Les musées ne travaillent pas avec les…