Tout a commencé par hasard, en suivant le chat d’un copain à la cave. L’amoncellement de livres inondés ne pouvait passer inaperçu aux yeux de l’artiste et poète Gérard Berréby, fondateur en 1982 de la maison d’édition Allia, dont le nom reprend accidentellement la marque d’un urinoir. Dramatiques et poétiques, les « Libri Feriti » (livres blessés en français) sont présentés à Venise dans le cadre de l’exposition « Looking for Utopia ». Ils s’attachent, dans ce contexte, à la question de la transmission du savoir à notre ère de « post-millennials ». Imbibés de résine, ces objets trouvés brûlés, déchirés et rongés par les animaux, deviennent des fossiles contemporains chargés de contenus tant mystérieux qu’éternels. Ils racontent le destin du livre et, avec lui, celui de l’être humain, de plus en plus éloigné d’un imaginaire littéraire. L’identification à cet objet au caractère presque sacré est si forte que son détournement nous émeut et nous fait réfléchir. « Les "Libri Feriti" sont une modeste tentative d’inventer un nouveau langage qui puisse parler davantage à cette époque », explique l’artiste. Passant par la catastrophe, l’utopie revient.
« Looking for Utopia », hôtel Novecento (San Marco 2683/84), Venise, jusqu’au 23 septembre.