Le Quotidien de l'Art

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L'ambition touche-à-tout de Hauser & Wirth

L'ambition touche-à-tout de Hauser & Wirth
Vue extérieure de Hauser & Wirth Los Angeles.
Photo Joshua Targownik/Courtesy Hauser & Wirth.

Alors que Hauser & Wirth vient d'annoncer l'ouverture d'un centre d'art à Minorque et regarde de près la France, la galerie se démultiplie dans divers domaines.

Il ne se passe guère une année sans que la méga-galerie Hauser & Wirth n’annonce une nouvelle initiative et ne s’engage dans des domaines qui n’ont apparemment rien à voir avec son cœur de métier, celui de la vente d'œuvres d'art. Comptons ces initiatives. Il y a d’abord eu Durslade Farm, complexe de bâtiments magnifiquement restaurés dans la campagne anglaise du Somerset. Ouvert en 2014, l’ensemble comprend, autour de cinq espaces d'exposition, un bar et un restaurant, une bibliothèque spécialisée dans l'art et des chambres d'hôte. En Écosse, il y a Fife Arms, hôtel vieillot racheté en 2015, aujourd'hui rénové avec tous les emblèmes du patrimoine écossais – tweed, tartan et bois de cerfs un peu partout –, mais où l’on peut admirer aussi une araignée de Louise Bourgeois dans la cour, un tableau de Lucian Freud et un plafond peint par Zhang Enli. Au pays basque, le mastodonte a soutenu Chillida Leku, musée et parc de sculptures privé consacré à l'œuvre du sculpteur espagnol Eduardo Chillida (1924-2002). Le musée était en déficit, mais, grâce à Hauser, il a rouvert ses portes cette année. La galerie a également pris en charge la représentation de la succession, dispensant des conseils en matière d’installations nouvelles, de conservation et de gestion des archives. Et il y a un secteur édition, avec des librairies dans trois galeries et un empire qui s'étend de Los Angeles à New York, Londres, Zurich et les Alpes suisses ou encore Hong Kong. Il y a même Manuela, un parfum en édition limitée créé par Fueguia en 2017 (306 euros le flacon de 100 ml).

L'art et la vie

Qu’est-ce que tout cela nous dit sur la stratégie de la galerie ? Certes, ces diversifications ont été facilitées par les immenses ressources de Hauser & Wirth, grâce à Ursula Hauser, belle-mère d'Iwan, magnat suisse du commerce de détail. Mais il y a plus que cela. Selon Art Review, qui explique l'ascension d'Iwan et de Manuela au sommet du palmarès Power 100 de 2016, la galerie a compris que les riches ne veulent pas seulement qu’on leur vende de l’art, « ils veulent qu’on leur vende un style de vie ». L'article poursuit : « Le succès des Wirth tient à la façon dont ils fusionnent le goût de la collection et les aspirations sociales de leur clientèle. »

La Hauser Farm dans le Somerset ou la galerie géante de Los Angeles, avec son restaurant, son jardin de sculptures et ses poulets vivants, sont devenues des destinations en soi. Au lieu des 40 000 visiteurs attendus, ce sont 175 000 personnes qui ont débarqué à Durslade la première année. Los Angeles a connu un succès de même ampleur. En plus d'offrir un style de vie, Hauser se distingue des autres méga-acteurs du marché de l'art d’une autre façon. Oui, Gagosian et Zwirner ont des publications ; oui, Gagosian a une boutique et une part dans un restaurant en plus de ses 15 galeries dans le monde. Mais selon Michael Shnayerson, auteur de la nouvelle édition de Boom: Mad Money, Mega Dealers and the Rise of Contemporary Art (Hachette, 2019), « Hauser & Wirth poursuit une stratégie commerciale à long terme […] Son but ultime est de dominer ce secteur. » Et, ajoute-t-il, c’est l'ambition de la galerie depuis 2009 ; elle le fait en soulignant le message selon lequel « l'art et la vie sont étroitement imbriqués ».

L'approche de Hauser va peut-être plutôt dans le sens d’une clientèle qui veut vivre une expérience. En proposant au client de faire l'expérience d'une « destination » plutôt que d'une « boutique », la galerie enracine subtilement le nom de sa marque dans son esprit. Cela pourrait devenir une forme de pouvoir très efficace, le « pouvoir de l’art ». 

Hauser & Wirth Somerset, installé à la Durslade Farm en Angleterre.
Hauser & Wirth Somerset, installé à la Durslade Farm en Angleterre.
Photo Hélène Binet/Courtesy Hauser & Wirth.
Le Radić Pavilion, conçu par Smiljan Radić en 2014 pour Hauser & Wirth Somerset.
Le Radić Pavilion, conçu par Smiljan Radić en 2014 pour Hauser & Wirth Somerset.
Photo Heather Edwards/Courtesy Hauser & Wirth, 2015.
L'Isla del Rey, site du futur Centre d'art de Hauser & Wirth à Minorque, en Espagne.
L'Isla del Rey, site du futur Centre d'art de Hauser & Wirth à Minorque, en Espagne.
DR.

Article issu de l'édition N°1749