Le Quotidien de l'Art

Jeux vidéo au musée : exposer c’est jouer

Jeux vidéo au musée : exposer c’est jouer
Vue d'une installation Pac Man au Pixel Museum, Herrlisheim (Bas-Rhin).
© Bartosch Salmanski.

De « Game Story » au Grand Palais à « Videogames : Design/Play/Disrupt » au Victoria & Albert Museum de Londres, les expositions sur les jeux vidéo se multiplient ces dernières années. Si l’objet est indéniablement devenu un produit culturel dont il convient de documenter l’histoire et les évolutions, la question de sa conservation, de sa restauration ou encore de son exposition se pose aujourd’hui. État des lieux.

Une question agace la plupart des chercheur.se.s et professionnel.le.s du jeux vidéo : celle, qu’on leur pose inlassablement, de savoir si cet objet est un art au même titre que la peinture, la sculpture, la photographie ou le cinéma… « Souvent, pour légitimer le jeu vidéo comme un art, certains le décrivent comme un amoncellement de formes artistiques diverses et reconnues. Il faut aller au-delà de ces discours », rétorque à ce sujet Marine Macq, directrice éditoriale d’IAMAG France et fondatrice de Pixel Life Stories. L’objet d’étude continue d’opposer et souffre encore d’un certain dédain de la part du milieu de l’art : Fleur Pellerin n’avait-elle pas hérité du méprisant surnom de « ministre des jeux vidéo » lors de ses quatre années au ministère de la Culture ? Si son action en faveur de l’industrie des jeux vidéo français, qui avait traversé une crise entre 2012 et 2013, avait été saluée par un bon nombre de professionnel.le.s du secteur, d’autres estimaient que la discipline ne méritait pas l’attention que lui portait la ministre. Pourtant, selon un article du journal Le Monde publié en 2016, « en termes de chiffre d’affaires, le jeu vidéo français s’exporte plus que la littérature française ».  Comment changer les mentalités ? En l’étudiant à l’aune d’autres disciplines pour le « légitimer » ? Certain.e.s le pensent quand pour d’autres, cette question de la légitimation est dépassée depuis longtemps. Il serait également nécessaire de « cesser de prêter aux jeux vidéo d’autres formes artistiques » pour faire avancer la recherche, affirme Marine Macq.

Des peintures en pixels

C’est également le point de vue de Jean Jouberton. Pour l’historien de l’art et créateur de la chaîne Youtube Homo Ludens, la présence de peintures dans les jeux est un objet d’étude à part entière au sein de la discipline, pas une manière de légitimer les jeux vidéo – qui n’en ont pas besoin. « Avec la peinture, les game designers disposent d’un outil formidable, explique-t-il. Ils peuvent orienter notre façon de jouer ou de passer des messages comme ils le font avec la musique, la gestion de la caméra ou le level design [processus de création d'un jeu vidéo qui s'occupe de la réalisation des niveaux, ndlr.] ».

Les enjeux et usages de la peinture sont au cœur de ses recherches et dans l’une de ses vidéos, très complète, il explique notamment comment certains jeux s’inspirent de mouvements picturaux. C’est le cas du jeu Okami (2006) qui s’inspire du sumi-e japonais et dont le style n’est pas sans rappeler le suiboku (le lavis à l’encre de Chine) de Sesshū Tōyō au XVe siècle. Dans Child of Light (2014), les influences picturales semblent quant à elles davantage tirées des aquarelles de l’illustrateur du début du XXe siècle Edmond Dulac et de celles du peintre et dessinateur suédois John Bauer. Jean Jouberton explique : « Les peintures dans les jeux vidéo remplissent diverses fonctions. Si la majorité des tableaux semblent ne rien signifier de particulier, ils participent cependant au moins à l’effet de réel et sont des indices d’atmosphère : ils donnent l’impression que l’univers dans lequel l’on évolue est réel ». Dans le jeu Hitman (2016), les peintures contemporaines accrochées aux murs de l’hôtel dans lequel le joueur évolue semblent couteuses et donnent ainsi une indication de l’atmosphère. L’esthétique du jeu n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle des tableaux. « Au-delà d’un effet de réel, les tableaux font partie de la narration environnementale…

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Article issu de l'édition N°1715