Quand il s’est installé à Pantin, en 2012, le galeriste Thaddaeus Ropac a fait figure de fou. Trop loin, trop dangereux : personne ne comprenait cet exil volontaire en banlieue, pourtant pas si lointaine. Six ans après, il apparaît comme un pionnier. En contrebas d’une friche SNCF, au bout d’un tunnel peu raccord, les quelque 5 000 m2 de sa galerie ne désemplissent pas chaque week-end. À coup d’installations de Gormley, Kiefer ou Beuys, le marchand autrichien a démontré au milieu de l’art qu’il n’était pas si difficile de franchir le périph’ et lancé une petite vague, qui a joliment déferlé sur les rives du canal de l’Ourcq le week-end dernier, avec les festivités de préfiguration du Centre national des arts plastiques.
Car d’ici 2022, le Cnap sera lui aussi dans la place. Après avoir visité huit sites, jusqu’aux abords d’Eurodisney, son directeur Yves Robert a été conquis par les 25 000 m2 de cet atelier qui appartenait auparavant à la marque de vêtements Fabio Lucci. Un pari, tant cette zone en pleine mutation, entre voies ferrées et cimetières, est encore loin de l’éco-quartier des Quatre-Chemins dont rêve la mairie ? « Pas du tout, rétorque Yves Robert. Nous sommes jusqu’à présent déployés sur quatre sites qui nous coûtent cher, d’où la décision de l’État (sous le mandat d’Audrey Azoulay, ndlr) d’acheter ce terrain où regrouper l’ensemble des 100 000 œuvres de notre collection. Le bâtiment est très sain, l’environnement stable, ce qui est essentiel à nos yeux. Quant au quartier, une passerelle va bientôt le désenclaver, elle ira de la gare de Pantin jusqu’à nous et plus loin ». Le 6 octobre prochain, un jury se réunira pour savoir quelle agence — Lacaton & Vassal, Bona-Lemercier ou Bruther + Data —, remportera la mise pour faire de la cathédrale de béton du 81, rue Cartier-Bresson le haut-lieu des collections nationales. Tête de proue d’un quartier en pleine métamorphose ? Si le bâtiment, une fois fini, ne sera pas ouvert au public, Yves Robert compte bien en faire « un lieu qui permette toutes sortes de rencontres professionnelles, bien au-delà de nos comités d’acquisition, et un véritable outil pour les artistes et les chercheurs ». Des installations dans l’espace public pantinois pourraient être envisagées en lien avec la mairie.
Au-delà des espérances
Mais certains n’ont pas attendu le Cnap pour s’installer là. À commencer par La Réserve des arts, sise à deux pas dans la même rue. L’association, qui va s’agrandir, récupère auprès de toutes sortes d’entreprises leurs matériaux de rebut et les revend au kilo aux artistes. 150 tonnes ont ainsi été échangées en 2017. Cette recyclerie arty est entourée de storages de galeries et d’ateliers bien cachés (Tatiana Trouvé a commencé au cœur de cette zone industrielle et y garde un espace). À trois pas de là, dès novembre, une grande institution artistique de banlieue lointaine inaugurera également un espace d’exposition de 500 m2, au rez-de-chaussée d’un immeuble neuf, à la lisière de Pantin et d’Aubervilliers. Derrière la mairie, la Cité fertile s’est ouverte cet été comme une parenthèse enchantée où se mêlent ferme urbaine, squat artistique, cabane à méditer et terrain de pétanque. Enfin, également à cinq minutes du Cnap, la mairie dispose d’un beau bâtiment 1920, sur trois étages, où le Cneai, autre transfuge pantinois depuis trois ans, pourrait s’installer d’ici la fin de l’année avec d’autres partenaires. « C’est juste une hypothèse, rien n’est décidé, précise Sylvie Boulanger. Nous avons bénéficié pendant trois ans d’un…