« La mort, ça signifie beaucoup d'argent, mon chou. La mort peut vraiment vous transformer en star », indiquait en 1987 Andy Warhol au détour d’une interview elle aussi devenue célèbre. A voir les grandes manœuvres autour des artistes ayant passé l’arme à gauche, on ne peut que donner raison au pape du Pop art. Depuis une petite décennie, les grandes galeries d’art contemporain traditionnellement associées au premier marché ont ajouté à leur catalogue les estates d’artistes, terme anglais communément utilisé pour parler de leur succession. Aujourd’hui, le phénomène se démultiplie. Le mois dernier, l’Autrichien Thaddaeus Ropac annonçait détenir la représentation exclusive de l’estate de Joseph Beuys, qui rejoint ceux de Robert Rauschenberg ou Irving Penn. Au même moment, l’Américain Hauser & Wirth intégrait la succession d’Alina Szapocznikow, en collaboration avec son fils Piotr Stanislawski et la galerie Loevenbruck. Avec vingt-cinq successions dans son giron, de Louise Bourgeois à Philip Guston ou Eduardo Chillida, le mastodonte américain est aujourd’hui le leader incontesté en la matière. « Cette dernière décennie, nous avons en effet opéré un tournant en développant notre travail sur les estates. Cela a commencé avec la mort de plusieurs artistes de la galerie qui nous étaient très chers. à beaucoup d’égards, ce travail se situe dans la continuité de celui mené auprès des artistes vivants », soutient Iwan Wirth. La même fièvre s’est emparée des Français. En 2017, la galerie Perrotin a ajouté celle du chef de file de l’Abstraction lyrique Hans Hartung aux successions de Jesús Rafael Soto et Chung Chang-Sup. « Il était temps de montrer la contemporanéité de son travail, estime Emmanuelle Orenga de Gaffory, directrice de la galerie. Son œuvre a une grande influence sur les peintres abstraits, de Sterling Ruby à Christopher Wool – et la jeune génération mérite d’être en contact avec cet artiste majeur ». Nathalie et Georges-Philippe Vallois présentent de leur côté Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle quand Kamel Mennour prend en charge les estates de Pierre Molinier ou Gina Pane. « Nous sommes une galerie de premier marché mais pas uniquement. Cette activité qui permet à une œuvre de rester actuelle, de conserver un éclairage, m’a toujours semblé importante » explique le galeriste.
Âpres batailles
La transmission du patrimoine artistique et financier des créateurs est incontestablement un sujet brûlant, qui ne manque pas d’occasionner de retentissants procès. « Il n’est pas dans la nature première d’un artiste de planifier son futur patrimonial », rappelle Franck Prazan, directeur de la galerie Applicat-Prazan. Les règles successorales spécifiques aux œuvres d’art – et en France le triple droit de suite, moral et patrimonial –…