Aux corps enchevêtrés du Radeau de la Méduse, arrimés à une embarcation de fortune, répondent ceux des artistes-activistes du collectif Libérons le Louvre. Plusieurs silhouettes tout de noir vêtues gisent devant le célèbre tableau de Géricault, comme mortes. En boucle, elles répètent le nom de Total, entêtante rengaine, suivie d’autres destinées à frapper l’esprit des visiteurs venus nombreux, ce 12 mars, admirer les œuvres de cette salle parmi les plus fréquentées du musée : « Assèchement des rivières, émission de gaz à effet de serre, peuples autochtones menacés ».
Il aura fallu moins de dix minutes pour faire évacuer les fauteurs de trouble dont la performance visait à protester, face à l’urgence climatique, contre les liens du Louvre avec ce groupe pétrolier, qui est l’un de ses mécènes. Ce mouvement initié par l’association 350.org n’en est pas à sa première tentative. Ses membres organisent depuis quelques années des actions sauvages dans l’enceinte du musée. Danseurs, sculpteurs, graphistes, costumières, metteurs en scène, ces artistes qui revendiquent l’anonymat ont aussi en commun des convictions écologiques. Leur credo : ce n’est pas Total qui soutient le Louvre, mais l’inverse.
Bataille de l'imaginaire
Contre l’industrie fossile, l’« art-activisme » livre une bataille de l’imaginaire. « Si des groupes comme Total investissent autant les musées, c’est bien que pour eux, cette question des imaginaires est importante, ils ne sponsorisent pas seulement les 24 heures du Mans ! Pas question de les laisser préempter cette idée », avance Nicolas Haeringer, porte-parole de 350.org et auteur de Zéro fossile (Les Petits matins, 2015). Le travail sur les formes est donc essentiel : « Il ne s’agit pas de débarquer avec banderoles et tracts dans un musée, il faut se mettre à la hauteur de la richesse de l’institution qu’on investit, très fréquentée par les touristes qui viennent admirer des pièces qui nous…