Dans une scénographie dépouillée au sous-sol de la Fondation Bemberg, à Toulouse, un ensemble de chefs-d’œuvre d’orfèvrerie témoigne de l’exceptionnelle inventivité des artistes germaniques de la Renaissance. Ces 44 pièces d’apparat sont également le témoin d’un passé moins glorieux, celui de feu leur propriétaire. Rudolf-August Oetker (1916-2007) était, sous le IIIe Reich, un membre de la SS au grade d’Unterscharführer (responsable du gazage des juifs) à Dachau, l’un des plus importants camps de concentration nazi près de Munich. Son beau-père n’était autre que Richard Kaselowsky, proche de Heinrich Himmler, à l’origine de l’Holocauste. Daté de septembre 1946, le rapport de la division financière du bureau du gouvernement militaire américain de l’Allemagne et de la commission de contrôle britannique pour l’Allemagne mentionne que l’entreprise Oetker, héritière d’une industrie familiale établie en 1891, a été distinguée cinq années consécutives, de 1937 à 1941, du titre de « Nationalsozialistischer Musterbetrieb ». Récompensant un modèle d’entreprise selon le parti nazi, ce prix prouve la proximité et l’affinité de son dirigeant avec le régime d’Adolf Hitler. Ce même rapport fait état d’un enrichissement aussi considérable qu’illégal pendant la guerre, par le biais de transactions financières opaques par l’intermédiaire de comptes bancaires secrets. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, cet entrepreneur dans l’industrie alimentaire travaillant au ravitaillement de l’armée allemande a collectionné sans relâche : peintures, céramiques, porcelaines, objets d’art…
Guère d’informations ne filtrent sur cet ensemble. Interrogée sur les contours de la collection, Monika Bachtler, sa directrice, installée à Bielefeld depuis une trentaine d’années, indique sans plus de détail que le fonds pictural,…