Roxana Azimi_Avant votre arrivée, le climat au Centre Pompidou n’était pas serein, les équipes étaient fatiguées pour rester dans la litote. Comment comptez-vous redynamiser le moral des troupes qui était au plus bas ?
Serge Lasvignes_Il m’est difficile de répondre à cette question, non pas que je ne le veuille pas, mais cela fait cinq mois que je suis là. Je ne suis pas dans la situation de la personne qui arrive et qui essaye de sentir le climat, j’ai déjà commencé en réalité à travailler avec les équipes, à ma façon, c’est-à-dire avec beaucoup de collégialité et beaucoup de dialogue. J’ai notamment rencontré avec beaucoup de plaisir les conservateurs que je connaissais mal. J’ai eu un très bon contact avec l’ensemble des équipes et j’ai l’impression que le climat est bon. Après, il y a différentes méthodes de management, j’ai la mienne, je ne dis pas que c’est la meilleure. Ma méthode, c’est la collégialité. Je crois dans la créativité des gens. Il faut laisser les gens s’exprimer pour prendre leurs idées et avoir la garantie que, si j’en ai de mauvaises, ils vont me le dire.
Philippe Régnier_Quelles étaient les idées préconçues que vous aviez avant d’arriver au Centre Pompidou ? Quelle stratégie vouliez-vous mettre en place ?
J’ai une méthode, qui a pu me nuire dans ma carrière d’ailleurs, qui est de refuser d’avoir un projet stratégique préconçu sans connaître la maison où je vais aller. Je suis spontanément attaché à l’interdisciplinarité et à l’esprit originel du Centre Pompidou. Il fallait vérifier que ces idées étaient toujours porteuses et savoir ce qu’elles pouvaient recouvrir. Tout cela, je l’ai fait au gré de mes conversations et de mes rencontres à l’extérieur du Centre Pompidou. J’ai notamment rencontré la directrice du musée de Montréal, le directeur du Reina Sofia [à Madrid], qui ont beaucoup alimenté ma réflexion. Cela m’a fait plaisir, car ce qui fonctionnait chez moi sous forme d’intuition était en prise avec des tendances actuelles de la réflexion sur les arts, les institutions culturelles et les musées.
Vous dites que l’interdisciplinarité est importante pour vous, elle l’est effectivement dans la création d’aujourd’hui, mais on a le sentiment que le Centre Pompidou s’en est de plus en plus détaché en s’éloignant de sa mission de base.
J’ai relu l’histoire du Centre Pompidou et notamment un livre constitué d’une collection de témoignages. Sébastien Lhoste y explique que le Centre Pompidou est un ensemble de contradictions que l’on ne peut pas résoudre et qu’il faut assumer. On essaye toujours de faire de l’interdisciplinarité mais on a le sentiment de ne jamais y parvenir. Je me demande quand même s’il n’y a pas eu une tendance historiquement à faire de l’interdisciplinarité une sorte d’objet muséal que l’on révérait au passage, pour passer rapidement aux « choses sérieuses ». L’interdisciplinarité est totalement actuelle comme vous le dites, plus encore on assiste à des rapprochements de formes de pensées, entre l’intelligible et le sensible, entre les scientifiques et les artistes. Ce rapprochement est fructueux notamment parce qu’il permet d’échapper à la sclérose du débat intellectuel qui est anémié, peu audible ou réservé à des sortes de jeux télévisés. J’ai le sentiment que c’est mon rôle de faire revenir le Centre Pompidou dans le champ de l’interdisciplinarité.
Comment ?
Je fais travailler ensemble les différentes composantes de la maison, le musée et le département du développement culturel, avec l’Ircam et la BPI. Dans les…