Roxana Azimi_ Votre mari et vous étiez les propriétaires de l’appartement qu’occupait Henry Darger à Chicago, aux États-Unis. Comment était-il ?
Kiyoko Lerner_Je suis venue vivre avec Nathan en 1967 [à Chicago]. Il avait acheté en 1959 l’immeuble à côté du nôtre et où vivait déjà Henry Darger depuis 1932, au dernier étage. Petit à petit, Nathan avait réaménagé les appartements de cet immeuble pour les mettre en location, mais il n’avait pas touché à celui d’Henry. C’était quelqu’un de compatissant. Lorsque le quartier a commencé à devenir chic, les voisins ont voulu se débarrasser d’Henry, mais Nathan disait non : « c’est un homme inoffensif, laissez le tranquille ». Les cinq dernières années de sa vie, personne ne savait ce qu’il faisait. Chez lui, où j’étais la seule à aller, c’était rempli de journaux accumulés pendant quarante ans. Il ne jetait rien. À sa mort, on a retrouvé 800 bouteilles de médicament pour l’estomac. Henry faisait confiance à Nathan. Dès qu’il…