Un homme à la cage thoracique enfoncée pose fièrement dans un fauteuil droit, devant une plantureuse femme noire. Les yeux mi-clos, son regard est perçant, provoquant. Le peintre, Christian Schad, nous lance un défi : oserez-vous regarder droit dans vos bottes ce corps mutilé par la guerre ? Le Museo Correr à Venise ne fait pas dans la demi-mesure. En choisissant de mettre à l'honneur la Nouvelle Objectivité allemande, l'institution offre un parcours magistral qui glace le sang. Thématique, l'accrochage évacue dès la première salle la production expressionniste de George Grosz à Otto Dix, qui a trop souvent réduit cette période à un art grotesque. L'acuité et la justesse qui caractérisent les salles suivantes affirment avec d'autant plus de conviction la modernité de ces artistes que le parcours a opté pour un accrochage qui respecte les genres classiques, du…
La Nouvelle Objectivité allemande revisitée à Venise
Seuls quelques rares privilégiés comme Max Beckmann ou Otto Dix ont échappé à l'opprobre jeté sur la création artistique si corrosive des années 1920 en Allemagne. Période trouble, la République de Weimar a été le théâtre d'une scène artistique dont le bouillonnement n'a eu d'égal que son tourment. En marge de la Biennale de Venise et pour mieux éclairer notre rapport au réel, le Museo Correr offre un panorama magistral de l'ensemble des expressions artistiques du mouvement de la Nouvelle Objectivité. Dessins impulsifs, peintures incisives et estampes graveleuses sont pour la première fois confrontés à la photographie. Au menu, prostitution, meurtre, misère, déréliction et infirmité.