La Fondation Cartier pour l'art contemporain fête ses 30 ans. Ouverte en 1984 à Jouy-en-Josas, la fondation a déménagé dix ans plus tard à Paris. Son fondateur, Alain Dominique Perrin, répond à nos questions.
R. A. Lorsque vous avez ouvert la Fondation Cartier en 1984, la loi sur le mécénat n'existait pas encore. Ce vide ne vous a-t-il pas rebuté ?
A. D. P. J'y ai pensé. J'ai eu une discussion avec Jacques Toubon. Il m'a dit : « fais attention, tu ne seras pas dans le cadre légal, ce n'est pas prévu ». Je ne voyais pas pourquoi une entreprise n'avait pas le droit de faire de l'art quand d'autres font du foot ou du tennis. Je ne comprenais pas la restriction et j'étais prêt à plaider. En 1986, François Léotard m'a chargé d'une mission sur le mécénat d'entreprise. J'ai engagé 44 personnes pour faire une étude sur 6 ou 7 pays, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, les États-Unis… Nous avons constaté que la France était en retard. Léotard m'a demandé de faire un tour de France et de présenter le mécénat culturel dans une trentaine de villes. En juillet 1987, la loi Léotard a été votée. Je jouais au poker. Les actionnaires me suivaient. Je ne suis pas allé la fleur au fusil, j'ai consulté beaucoup d'avocats.
R. A. La Fondation Cartier a-t-elle joué un rôle dans les lois successives sur le mécénat ?
A. D. P. On s'est appuyé sur notre expérience. Dans mon rapport, j'ai démontré que des pays étaient bien plus avancés que nous. J'ai démonté la jungle administrative qui tournait autour de l'art en France et montré à quel point le système français était horriblement lourd, entièrement aux mains de l'État. Les artistes n'avaient pas de liberté, comme au bon vieux temps de Louis XIV ou des Médicis.
R. A. Vous ne voyez donc pas Cartier dans la lignée des Médicis ?
A. D. P. Médicis, c'était du mécénat qui n'en a que le nom. C'était un mécénat de représentation. Le mécénat de Cartier n'est pas à la gloire de Cartier, même s'il lui sert…