Le Centre Pompidou rend hommage aux « Magiciens de la terre », organisée en 1989 par Jean-Hubert Martin au Centre Pompidou et à la Grande Halle de la Villette, en publiant un ouvrage sur cette exposition-jalon ainsi qu'en organisant un colloque international les 27 et 28 mars. Alors que la mondialisation était à peine en marche sur le plan artistique, cette exposition montrait des créateurs d'Afrique, d'Asie, des Indiens tribaux aux côtés d'artistes contemporains occidentaux. Jean-Hubert Martin revient sur cet événement 25 ans après.
R. A. Comment l'idée vous est-elle venue de l'exposition « Les Magiciens de la terre » et pressentiez-vous le scandale qu'elle a suscitée ?
J.-H. M. Je m'intéressais à la politique étrangère, et quand je lisais Le Monde, je voyais ce qui se passait en Afrique ou en Asie et l'incidence sur notre politique. En revanche, sur l'art vivant : zéro ; on ne voyait rien. Après une période un peu internationale en 1968, on s'était replié sur l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord. Je sentais pourtant la mondialisation, un mot qui n'existait pas encore. Deux autres facteurs ont aussi joué. Dans les années 1970, je me rendais souvent à Moscou pour l'exposition « Paris-Moscou ». J'y ai rencontré des artistes et intellectuels d'avant-garde, notamment Ilya Kabakov. Il s'est montré enthousiaste à l'idée de cette exposition. J'avais aussi vu l'atelier d'André Breton, et sa manière de marier les oeuvres de périodes et de cultures différentes m'avait frappé. Quand j'avais une vingtaine d'années, j'avais voyagé à Katmandou et en Afrique. Je me rappelle qu'au cimetière de Lagos, au Nigeria, j'avais vu des effigies funéraires qui avaient un côté pop. Il y avait des correspondances à établir même s'il n'y avait pas de relation directe. Les intellectuels du milieu de l'art pensaient qu'on ne pouvait pas mettre un artiste africain à côté d'un New-Yorkais sous prétexte que les deux contextes ne seraient pas comparables. Je mesurais bien que les « Magiciens » seraient un…