Personnalité intransigeante et courtoise à la fois, pataphysicien nourri au terreau surréaliste, Christian Bernard a créé le musée d'art moderne et contemporain (Mamco) de Genève, qui fêtera l'an prochain ses vingt ans. Vingt ans avant son ouverture, quelques notables genevois rêvaient, avec un certain courage, d'un musée d'art contemporain. En deux décennies, il en a fait un lieu incontournable et un modèle pour les musées qui tentent aujourd'hui de se redéfinir. Christian Bernard répond à nos questions.
R. A. Avant l'ouverture du Mamco en 1994, vingt ans de gestation ont été nécessaires. Pourquoi autant de temps ?
C. B. Tout est lent en Suisse francophone, car tout procède d'une construction de consensus. À Zürich, cela n'aurait pris que cinq ans. Genève est une ville heureuse, aisée, l'offre culturelle y est vaste. Faire de la place à l'art contemporain dans une ville qui considère la musique comme son domaine d'excellence, ce n'était pas si simple. C'est une histoire singulière, liée à l'idiosyncrasie d'un lieu et d'une personne. Cela serait inconcevable ailleurs qu'à Genève. Il fallait une ville circonspecte mais bienveillante, qui dise « on va voir ». Il a fallu dix ans pour mettre en place la fondation de droit public.
R. A. Y a-t-il eu des sceptiques ?
C. B. Oui, bien sûr. Quand notre association a convaincu d'acheter de l'art, il y a eu une alliance de la gauche et des libéraux pour cela, mais les radicaux ont joué la minorité de blocage. Ils voulaient un musée d'automobile au rez-de-chaussée. Ils s'inspiraient de la fondation Gianadda (Martigny). Il a fallu plus de dix ans pour que les voitures s'en aillent.
R. A. Comment avez-vous convaincu les artistes ou le…