Près d'un siècle après l'Affaire Dreyfus, le sort du capitaine de l'armée française continue de susciter la polémique... aux enchères. Sotheby's doit mettre en vente aujourd'hui, mercredi 29 mai, à Paris une lettre adressée au ministre de l'Intérieur le 26 janvier 1895, un mois après sa condamnation pour trahison, depuis l'Ile de Ré où il est emprisonné. Seulement voilà : le petit-fils de Dreyfus, Charles, demande dans une lettre ouverte au vendeur de renoncer à cette vente. Elle « n'émane pas de la famille Dreyfus qui s'est constamment appliquée à donner, par legs successifs, ses archives, tant à la Bibliothèque nationale de France qu'au Musée d'art et d'histoire du judaïsme », écrit l'héritier du capitaine et l'historien Vincent Duclert, son biographe. Tous deux appellent « le vendeur de cette lettre à renoncer à cette vente et, par un geste moral qui l'honorerait, d'en faire don à l'une des institutions précitées ». Dans cette missive, on lit entre autres : « J'ai été condamné pour le crime le plus infâme qu'un soldat puisse commettre et je suis innocent (…). Je ne viens vous demander, monsieur le Ministre, ni grâce ni pitié, mais justice seulement ». Cette lettre est considérée comme historique car elle contient plusieurs éléments clefs de la défense d'Alfred Dreyfus. Elle est estimée de 100 000 à 150 000 euros (lire Le Quotidien de l'Art du 18 avril). De son côté, Sotheby's contredit la version de Charles Dreyfus. L'auctioneer affirme disposer « d'éléments précis sur la provenance de cette lettre, confirmant qu'elle peut être régulièrement mise en vente par son propriétaire, dont la réalité du titre de propriété ni la bonne foi ne peuvent être mis en cause ». Pour Sotheby's, « on peut notamment déduire que cette lettre a fait l'objet d'une première cession onéreuse par la famille du capitaine Dreyfus, avant d'être rachetée par son actuel propriétaire en 1996 à la librairie Charavay » [Paris, Lyon]. Toujours d'après la maison de ventes, l'actuel vendeur avait également pris soin il y a plusieurs mois de rencontrer et de correspondre avec Charles Dreyfus, qui n'avait alors ni remis en cause cette provenance ni réclamé ladite lettre. « L'actuel propriétaire avait également pris attache il y a plusieurs mois avec le service des Archives de France, qui, par courrier, avait reconnu la provenance de cette lettre, et avait alors autorisé sa mise en vente », ajoute Sotheby's, qui précise que la missive dispose d'un certificat d'exportation.