Dans la salle de ballet de la GAM – Galleria d’Arte Moderna de Milan –, deux œuvres monumentales, installées face à face, engagent un dialogue idéal qui traverse le temps. D’un côté, Il Quarto Stato (1901) de Giuseppe Pellizza da Volpedo, œuvre iconique et manifeste de la lutte pour les droits des travailleurs ; de l’autre, The Large Alphabet of My Mothers and Fathers (2024), cœur battant de la première exposition personnelle d’Ugo Rondinone à Milan. Sous le titre « Terrone » – terme péjoratif autrefois utilisé pour désigner les migrants du sud de l’Italie –, l’exposition transforme une insulte en affirmation identitaire. À gauche, les paysans avancent en bloc, les mains nues, figures d’une conscience collective en marche. À droite, les ustensiles agricoles dorés semblent les attendre, tels des fragments d’une mémoire suspendue. La dimension collective entre en résonance avec les récits personnels. Né en Suisse de parents italiens contraints de quitter leur territoire à la recherche d’un avenir meilleur, l’artiste, installé à New York depuis 1977, insiste sur l’importance de ne pas oublier ses propres racines : « Terrone veut surtout rappeler le lien avec la terre, explique-t-il. Dans les années 1920, 80 % des agriculteurs de Long Island étaient des immigrés italiens. J’ai été stupéfait d’y retrouver les mêmes outils faits main que je voyais chez mes grands-parents à Matera. » Recouverts d’or, ces objets du quotidien redonnent valeur et dignité au travail de ses ancêtres, rendant aussi hommage à toutes les histoires marquées par l’exil. Ugo Rondinone ouvre, une fois encore, un espace mental empreint de poésie.
« Ugo Rondinone. Terrone », Galleria d’Arte Moderna, Milan, jusqu’au 6 juillet
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