Le Quotidien de l'Art

Provenance : un enjeu majeur sur fond de tensions

Provenance : un enjeu majeur sur fond de tensions
Les réserves du Louvre-Lens.
SOBERKA Richard / hemis.fr.

Autrefois considérée comme une plus-value, la provenance est aujourd’hui au cœur des préoccupations des musées et du marché. Ses objectifs : prévenir les trafics, réparer les spoliations, éviter les scandales. Mais tandis qu’un nouvel écosystème se construit, sa mise en œuvre provoque de nombreuses tensions, comme le montre le nouveau règlement européen qui entre en vigueur fin juin.

Tout établissement patrimonial est appelé à documenter rigoureusement la provenance des œuvres dans ses collections. Cet impératif n’est pas nouveau, et remonte notamment à l’ordonnance du 21 avril 1945 relative aux spoliations perpétrées par le régime nazi. Ces biens dits MNR (Musées Nationaux Récupérations) sont recensés depuis 1997 sur la base Rose-Valland, administrée par le ministère de la Culture. Essentielle, celle-ci est néanmoins loin de refléter l’ampleur réelle des pertes. Nombre d’œuvres restent dépourvues d’une origine clairement établie. Conscient de devoir « faire mieux », le Premier ministre Édouard Philippe avait lancé en 2019 la mission de recherche et de restitutions des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS).

Lucides sur cette problématique, plusieurs musées se sont d’eux-mêmes dotés de cellules dédiées à la recherche de provenance. Le musée des Beaux-Arts de Rouen a été pionnier, en lançant dès 2022 – soit un an avant la loi du 22 juillet 2023 sur la restitution des biens culturels spoliés dans le contexte nazi – une vérification globale de l’historique de ses collections. Objectif : retracer le parcours des œuvres depuis les années 1930, afin d’identifier d’éventuelles spoliations liées aux persécutions antisémites. D’autres institutions suivent cet exemple. À Autun, la fermeture actuelle pour travaux du musée Rolin est l’occasion d’engager une campagne de recherche sur la provenance des œuvres. Autour de ce véritable enjeu global, l’ICOM prépare actuellement un numéro spécial de sa revue Museum International, qui explorera les défis spécifiques à la recherche de provenance, notamment pour les objets acquis dans des contextes opaques ou peu documentés.

Des recherches inégales

Si la période 1933-1945 reste centrale, la vigilance est permanente pour prévenir les nouvelles acquisitions litigieuses ou irrégulières, comme le rappellent plusieurs affaires récentes. En 2022, l’ancien président-directeur du musée du Louvre Jean-Luc Martinez a été mis en examen par l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), pour avoir validé de faux certificats d’origine sur des antiquités égyptiennes acquises pour le Louvre Abu Dhabi. Parmi elles, une stèle en granit rose frappée du sceau de Toutankhamon, dont la provenance aurait été falsifiée. Autre exemple marquant : le scandale des faux meubles du château de Versailles, dont le verdict est rendu ce 11 juin à Pontoise. Là encore, la provenance est au cœur du…

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