En Martinique, un changement d’axe est en train de s’opérer. Les artistes n’attendent plus l’approbation de l’« Hexagone » (terme préféré à celui de « métropole », à l’étymologie postcoloniale), mais regardent vers l’international : un exutoire dans une collectivité où l’accompagnement des artistes reste dysfonctionnel.
Février 2024 : Julien Creuzet, sélectionné pour représenter la France à la biennale de Venise, donne sa conférence de presse officielle en Martinique. « C’était la première fois que la présentation du pavillon français se tenait hors de la région parisienne. Avant cela, le plus excentré avait été à Gennevilliers avec Zineb Sedira, en 2022 », fait observer Ronan Grossiat, cofondateur de l’Édouard Glissant Art Fund, ancienne demeure de l’intellectuel martiniquais au Diamant, reconvertie en espace de résidence artistique, où l'artiste a prononcé son discours. Julien Creuzet ne s’est pas contenté de paroles : accompagné d’une cohorte de commissaires, galeristes et critiques, il a amené ces professionnels du monde de l’art à poser les yeux sur la scène martiniquaise lors d’un tour de l’île de plusieurs jours, ponctué par des rencontres avec des artistes, écrivains et autres penseurs locaux.
Depuis quelques années, un travail de reconnaissance progressif des artistes issus de départements et collectivités ultramarins semble s’être enclenché. Pour Régine Cuzin, curatrice spécialisée dans la création d’Outre-mer, le contraste est évident : 30 ans plus tôt, elle était l’une des seules à s’y…