Pour Elvan Zabunyan, la mort de George Floyd en mai 2020 a « provoqué un embrasement mondial des mouvements antiracistes en créant des analogies avec l'esclavage ». Dans Réunir les bouts du monde. Art, histoire, esclavage en mémoire (éditions B42, 2024), l'historienne de l'art affirme que cette mobilisation « répond à la volonté de celles et ceux qui travaillent à rééquilibrer les siècles d'amnésie consciente ou inconsciente, à pointer les formes de désinformation et de méconnaissance qui ont maintenu cette histoire le plus souvent à la périphérie, laissant les plaies béantes ». Voici résumés les enjeux qu'il convient de déployer pour comprendre la difficulté à aborder les mémoires de l'esclavage dans les musées.
En 1992, l'exposition « Les Anneaux de la mémoire », au château des ducs de Bretagne, à Nantes, a marqué les esprits. En 2011, deux colloques ont eu lieu sur le sujet, à La Rochelle et au musée du quai Branly, avant l'inauguration du Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes l'année suivante. L'exposition « Le Modèle noir », présentée en 2019 au musée d'Orsay, puis au Mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) fait référence. Après ces diverses initiatives qui semblent isolées, assiste-t-on à un moment de cristallisation ? Ces cinq dernières années ont vu une impressionnante augmentation des événements liés aux mémoires de l'esclavage : expositions, manifestations scientifiques, rencontres tous publics. Ces programmations sont majoritairement portées par les musées de la façade atlantique en raison de l'implication de leurs ports dans le commerce triangulaire : Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Rouen, Le Havre et Honfleur (ces trois dernières ont organisé la triple exposition « Esclavage, mémoires normandes » en 2023). Ailleurs dans l'Hexagone, il reste difficile de traiter la question, alors même que des villes et des régions éloignées de l'accès à la mer en ont tiré bénéfice : ainsi des régions boisées,…