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Feu à volonté aux enchères

Feu à volonté aux enchères

Collectionneur passionné et mécène, Marcel Lehmann-Lefranc (1929- 2024) avait réuni un ensemble d’œuvres du Nouveau Réalisme (il fut l’agent exclusif de César entre 1968 et 1978) et de Supports/Surfaces dans son appartement parisien conçu par Jean-Michel Wilmotte. Dans cet ensemble cohérent dispersé à présent aux enchères, en partie dévoilé en 1995 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris dans le cadre de l’exposition « Passions Privées », s’impose un Tir historique de Niki de Saint Phalle, faisant partie des premiers tableaux-performances « à la carabine » de l’artiste pour laquelle c’est un moyen de libérer sa rage contre son père dont elle a subi un inceste dès l’âge de 11 ans. « En tirant sur moi, je tirais sur la société et ses injustices. En tirant sur ma propre violence, je tirais sur la violence du temps », dira-t-elle, évoquant aussi les guerres de son époque dont celle d’Algérie. Ce tableau a été présenté pour la première fois en 1961 dans l'exposition « Feu à volonté », à la galerie J à Paris où l’artiste invitait les spectateurs à tirer à l’aide d’un fusil 22 Long Rifle sur des compositions de plâtre blanc et d’objets divers recouvrant des poches de couleurs et des bombes de peinture. Présent lors d’une des emblématiques séances cathartiques de tir de Niki de Saint Phalle, Marcel Lehman-Lefranc fut le seul acheteur (avec l’artiste Robert Rauschenberg) d’un Tir de Niki à l’issue de cette première exposition. Longtemps ignorés du grand public en France, ces œuvres poignantes à (dé)charge émotionnelle ont été redécouvertes en 2013 lors d’une exposition à la galerie GP & N Vallois intitulée « En joue ! Assemblages et tirs (1958-1964) », puis par une rétrospective au Grand Palais à Paris en 2014-2015. Aujourd’hui, si le MoMA et le Centre Pompidou possèdent des pièces de la série, « ce Tir se distingue par son ancrage dans un moment clé de la pratique de Saint Phalle, offrant un rare témoignage d’un dialogue privilégié entre Marcel Lehmann-Lefranc et la démarche créative de l’artiste », souligne l’expert Olivier Fau.

Article issu de l'édition N°2991