« Reine de l'absurde », « femme la plus drôle de France », « héritière des Monty Python et des Peanuts »... Dans la presse et sur les réseaux sociaux, les qualificatifs dithyrambiques saluant Anouk Ricard, lauréate du grand prix du 52e Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême, démontrent l'amour que lui porte un large public. Récompensée par ses pairs pour l’ensemble de son œuvre, la dessinatrice française de 54 ans était en concurrence avec deux autres femmes, l'académicienne Catherine Meurisse (en lice pour la 6e fois) et l'Américaine Alison Bechdel, qui aurait largement mérité elle aussi le trophée signé Lewis Trondheim pour ses graphic novels autobiographiques, notamment Dykes to Watch Out for qui révéla son fameux test de la sous-représentation des femmes dans les œuvres de fiction. Loin de cet univers, celui d'Anouk Ricard, formée à l'École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, mêle humains, animaux (ou les deux en même temps) dans des situations, en effet, absurdes. Mais pas forcément plus absurdes que nos comportements quotidiens : dans un style net et des couleurs vives, la vie de bureau, la parentalité (dans la fameuse série Petit Manuel – pour aller sur le pot, aller au lit, voyager tranquille), ou les relations amoureuses sont illustrées dans les aventures de Froga la grenouille, René le chat, Bubu le chien, Christophe le ver de terre, Fabrice le phasme, Patti la fillette miniaturisée, Ducky Coco le canard cow-boy et son cheval Guiguitte, ou Animan le transformiste... Le prix vient donner un peu de légèreté à l'ambiance qui pèse sur le FIBD (qui se tient jusqu'au 2 février). Alors qu'en 2023 était déprogrammée une exposition par Bastien Vivès, accusé de promouvoir la pédopornographie dans ses œuvres, une enquête de L'Humanité Magazine révèle des choix problématiques de la part de Franck Bondoux, délégué général de la société organisatrice 9e Art+. Tout d'abord des « orientations mercantiles » dénoncées dans le milieu de la BD : un pass quatre jours relevé au tarif de 60 euros (contre 35 auparavant), des prix de stands exorbitants pour les éditeurs et un partenariat avec la chaîne de fast-food Quick, faisant tiquer les collectivités qui financent le festival à 50 %, et sont engagées dans la promotion d'une nourriture saine et locale pour les enfants, public majeur de la manifestation. Plus grave, l'enquête révèle qu'une responsable de communication a été licenciée l'an dernier, après avoir annoncé à sa direction qu'elle avait porté plainte pour un viol qui aurait été commis sous soumission chimique par un prestataire du FIBD lors d'une soirée de l'édition 2024. Son avocat dit saisir les prud’hommes pour « licenciement abusif », et déposer plainte au pénal pour « viol avec administration de substances nuisibles ».