Le Quotidien de l'Art

L'image du jour

Accord parfait majeur

Accord parfait majeur

Parmi les grands concepts du XXIe siècle figurent l’expérience (immersive de préférence) et l’accord mets et vins (pourquoi choisir une bouteille quand on pourrait en goûter dix au compte-gouttes : ça décuple les bonnes continuations de dégustation). Garde à celui qui entrerait dans le domaine de Pommery l’esprit saturé de modernité : en bas des 116 marches menant aux caves, la visite est, pour les plus sensibles, pour le moins sensorielle. Mais le goût de l’accord art et vin, pensé par Fabrice Bousteau (directeur de la rédaction du Quotidien de l'Art), a ici quelque chose de plus juste. La partition classique du parcours, composée par les monumentaux bas-reliefs commandés au XIXe siècle par Madame Pommery à Gustave Navlet, qui sculpte à la seule lumière de la bougie dans la craie tendre des crayères (les plus profondes de la Champagne) des scènes bachiques où Silène et Ménades règnent en débandade, résonne en écho proche et lointain aux notes contemporaines de Nam Tchun-Mo. Sa sculpture en dièses majeurs, qui s’élève sous les 18 mètres de hauteur sous sol en un subtil jeu d’ombres et de reflets de lumière tamisée, rend au malmené symbole # toute sa splendeur. L’artiste, qui a grandi dans la petite ville de Yeongyang, dans la région montagneuse du centre-est de la Corée du Sud, explique avoir été élevé en voyant ses champs de tabac en pente, dont les sillons et les arêtes marquent des lignes, tantôt allongées, écrasées, grandies puis aplanies par la lueur du petit matin et le crépuscule du grand soir. Traditionnellement recouvertes sur les plantations de grandes bâches en plastique noir pour créer un effet de serre et conserver la chaleur, ces feuilles devenues notes de tabac se découvrent là dans un parfum d’humidité et de fraîcheur préservée. De dieu en dièse, du raisin au vin, et du vin au tabac, l’expérience est immersive, et l’accord parfait.

Article issu de l'édition N°2977