À chaque génération son fardeau : alors que l’éco-anxiété gagne notre société, et que l’avenir nous semble plus sombre que jamais, cette foisonnante exposition remet en lumière les heures sombres de l’holocauste nucléaire symbolisé par l’explosion de la bombe A en 1945. La curatrice Julia Garimorth, accompagnée de l’historienne de l’art Maria Stavrinaki, compose un remarquable parcours aux confluences de la science et de la physique, de l’art et de la littérature, de la politique et des stratégies militaires, révélant les mille manières dont les artistes se sont emparés de la question atomique. De la découverte de la fission nucléaire (Lise Meitner) à l’instabilité fondamentale de la matière, une nouvelle conception du monde voit le jour. Mais comment rendre compte de l’infra-mince (Marcel Duchamp), des radiations invisibles (Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, Sigmar Polke) et des pulsations qui vibrent au sein de la matière (Hilma af Klint, Mikhail Larionov) ? Et comment traduire l’horreur et les retombées d’Hiroshima et Nagasaki (Tetsumi Kudo, On Kawara) ? Parmi les représentations qui colonisent l’imaginaire commun, le champignon atomique occupe une place de choix, au point de devenir un « objet photogénique » ou un « spectacle ». Bruce Conner s’empare de ce symbole pour donner un visage impersonnel et inquiétant à la technoscience et à la bureaucratie, capables désormais d’appuyer sur le bouton rouge. Dès lors, la bombe fait de l’humanité un agent de transformation profonde de la Terre, soit ce que désigne le concept contemporain d’« anthropocène ». Le cœur de l’exposition, dévolu aux représentations picturales du nucléaire (Asger Jorn, Charles Bittinger, Yves Klein), s’enrichit d’un propos plus politique et contestataire, allant des avant-gardes (Gustav Metzger, exposition « Pour conjurer l’esprit de catastrophe ») à l’éco-féminisme (Sisters of Survival, Nancy Spero), en passant par le mouvement décolonial dénonçant les essais menés par la France en Algérie et en Polynésie.
« L’âge atomique. Les artistes à l’épreuve de l’histoire », musée d’Art moderne de Paris. Jusqu’au 9 février 2025.
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