Plonger dans les marges de l’Histoire, celle du militantisme politique, de l’enfermement et de la solitude des idéaux, en traquer les indices sans chercher à les déchiffrer, prolonger l’intrigue, envisager le mythe et la réalité dans un même mouvement, voilà ce qui semble animer l’enquête au long cours menée par Anaëlle Vanel à l’aide de la photographie, du film et du texte.
Une lumière rasante, douce, matinale pénètre par de larges baies vitrées. À l’extérieur, le soleil cru, les premières chaleurs, le bruit de la rue. L’été continue malgré l’automne. Sur un petit guéridon en bois reposent deux cafés et une boîte qu’Anaëlle Vanel a apportée avec elle. Nous nous sommes replié.es à l’intérieur spécialement pour l’ouvrir. Les gants blancs qu’elle enfile tranchent avec le cadre. Nous ne nous trouvons en effet ni dans une réserve de musée ni dans des archives. D’un geste délicat, elle en sort des tirages argentiques qu’elle commence à commenter. Je suis un peu troublé par cette situation à laquelle je suis pourtant relativement habitué (un.e artiste me présentant son travail dans un bistrot). Aux écrans d’ordinateur et scrolling de pdf autour desquels s’anime généralement ce genre de rituel se substituent le privilège de la matérialité, la physicalité de la technique photographique.
Plus qu’une forme d’anachronisme ou de préciosité, cette scène souligne à sa manière une dimension essentielle du travail d’Anaëlle Vanel : la mise au point d’une méthodologie à la fois exigeante et élastique qui refuse les logiques de projet ou de série pour envisager chaque photographie au sein d’un continuum, d’un corpus toujours en expansion qui se sédimente ici et là, à l’intérieur de boîtes chapitrées ou dans le potentiel d’images en attente de…