Open Wall se déploie sur toute la largeur d'une cimaise du Palazzo Strozzi de Florence. Dans le sévère édifice Renaissance aux allures de bunker cubique à bossages capitonnés, la toile de plus de trois mètres d'envergure d'Helen Frankenthaler fait véritablement office de « mur ouvert ». Arrachant à l'espace clos une lucarne de liberté expressive divisée en trois temps et trois familles de couleurs, l'œuvre de la peintre américaine (1928-2011) est le point d'orgue d'une rétrospective – la première d'une telle ampleur en Europe, organisée avec la Helen Frankenthaler Foundation de New York – qui viserait à montrer un travail réalisé « sans règles », annonce son titre. Celui-ci est tiré d'une citation de l'artiste dont la seconde partie dénote pourtant une ambiguïté : « Ma règle est de ne pas avoir de règles, et si vous avez un réel sens des limites, alors vous êtes libre d'en sortir. » Autrement dit, de la contrainte naît la liberté : c'est en épousant les limites d'un médium qu'on l'explore le mieux – Helen Frankenthaler a pratiqué non seulement la peinture, mais aussi la sculpture, la tapisserie, la céramique... Dans l'exposition, le dialogue avec les œuvres de ses contemporains de l'expressionnisme abstrait et du Color field painting (Mark Rothko, Jackson Pollock, Robert Motherwell...) est révélateur : à rebours de leur approche sérielle, Helen Frankenthaler apporte, même dans les œuvres plus géométriques, une forme d'abstraction atmosphérique et musicale, comme d'infinies variations météorologiques que l'œil ne parvient pas à fixer. Un principe de « dérèglement » insaisissable d'une œuvre à l'autre, perpétuellement ouvert et toujours changeant.
« Helen Frankenthaler. Dipingere senza regole », jusqu'au 26 janvier 2025 au Palazzo Strozzi, Florence, palazzostrozzi.org