Le Quotidien de l'Art

Le biopic d'artiste : un mauvais genre ?

Le biopic d'artiste : un mauvais genre ?
Niki de Céline Sallette (2024).
© CINÉ FRANCE STUDIOS - WILD BUNCH.

On assiste, depuis une vingtaine d'années, à une inflation des biopics d'artistes au cinéma : récemment le Caravage, Dalí, Niki de Saint Phalle, bientôt Géricault et Léonard de Vinci. La plupart, cependant, sont éreintés par la critique. Analyse des ressorts d'un genre malmené. 

Si, au cinéma, le biopic (contraction de biographical motion picture) est un sous-genre qui a les faveurs du public, la critique cinéphilique a souvent contre lui la dent dure. Et quand il s'agit de raconter la vie des artistes, le succès est rarement au rendez-vous. Pourquoi est-ce si difficile de rendre au cinéma la vie et l'œuvre des artistes ? – en particulier des arts visuels, la musique étant plus bankable, tel l'emblématique Amadeus (1984) de Miloš Forman. « Il y a une méfiance et une crainte de la recherche et de la critique vis-à-vis d'un supposé didactisme du sous-genre », observe la chercheuse Occitane Lacurie. Le passage en revue (on peut se reporter ici à une liste assez complète) est en effet assez édifiant : très rares sont les œuvres à avoir rencontré un succès tant critique que public – en France, citons Camille Claudel (1988) de Bruno Nuytten, Van Gogh (1991) de Maurice Pialat ou dans une moindre mesure Séraphine (2008) de Martin Provost. Si ces films n'ont pas vocation documentaire – dans cette catégorie le récent Apolonia Apolonia (2022) de Léa Glob, sur la peintre Apolonia Sokol, a remporté plusieurs prix –, il est souvent basé sur une œuvre littéraire à succès, « tentant les investisseurs sûrs de pouvoir compter sur un public déjà acquis », souligne David Bovey dans une thèse sur le sujet soutenue en 2015. Au point parfois d'aller jusqu'au plagiat : en 2010, le producteur et le scénariste de Séraphine ont été condamnés pour avoir repris des éléments inventés par Alain Vircondelet dans sa biographie parue en 1986.

Dans la gymnastique qui consiste à rendre plus ou moins bien la vie – plus rarement l'œuvre – d'un artiste, deux démarches se distinguent. La plus commune, et souvent la plus académique, se rapproche du film historique (y compris pour des périodes récentes), suivant pas à pas ou par ellipses le parcours du ou de la créatrice. « La trame “rise and fall” (ascension et chute) de ces biopics perpétue les codes classiques du storytelling qui marche, analyse Ludovic Béot, réalisateur et critique de cinéma. On voit les artistes se battre avec la précarité, le doute, l’addiction… Mais en fin de compte, les prises de risques sont minimes. ​​​​​Les sujets qui pourraient déplaire, notamment concernant les minorités sexuelles ou les injustices sociales, sont souvent éludés, déchargés de leur substance politique ». Il ajoute : « Ces films sont rarement subversifs, montrant la plupart du temps une narration de méritocratie convenue, qui veut que si l’artiste en est arrivé là, c’est qu’il a travaillé dur. Ils misent avant tout sur la création d’un objet rassurant, qui attire facilement un public déjà conquis par le personnage à l’écran. » 

Le rôle absolu

Le scénario joue fréquemment sur les ressorts d'une destinée artistique vue comme une libération ou une révélation, pour l'artiste ou pour son entourage. Dans le Basquiat (1996) de Julian Schnabel, que le cinéaste (et peintre lui-même) côtoya personnellement, on voit le critique René Ricard (Michael Wincott) « découvrir » le…

Le biopic d'artiste : un mauvais genre ?
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